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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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triste, mère, si triste de savoir sans pouvoir changer le destin.
    –  Quel destin ? demanda-t-elle en le repoussant gentiment pour lui tendre un mouchoir.
    Michel moucha bruyamment son nez et leva vers elle un regard désespéré :
    –  Le sien, mère.
     
    Philippus se retourna une dernière fois sur la petite cité bordée d’oliviers centenaires, puis, résolument, dirigea le pas de son âne vers Avignon. Derrière lui, comme un écho au chagrin de Michel, son valet pleurait en reniflant.

7
     
     
     
    Isabeau fixa longuement la cathédrale qui s’élevait puissante dans le ciel plombé. Elle avait beau pencher la tête en arrière à s’en briser la nuque, au pied des marches de Nostre-Dame de Paris, elle apercevait à peine le sommet des flèches. Elle n’aurait su dire combien de temps elle resta là, perdue dans la contemplation de la rosace de façade ou du visage grotesque des gargouilles ; c’était comme si une part d’elle-même se reconnaissait dans la blessure de la pierre ; une blessure sublimée, magistrale, qui se dressait telle une montagne, en un lieu d’asile.
    Ce 30 octobre 1515, Isabeau sentit peu à peu se relâcher en elle la fatigue de son long et harassant voyage, comme si le simple fait de se trouver là, si petite face à ce géant sculpté, lui faisait oublier le désespoir et la colère qui étaient son lot quotidien.
    –  Pièce tombée, pièce perdue. Pièce perdue, pièce trouvée pour la sébile du mendiant, ricana une voix à ses pieds.
    Le bruit était partout autour d’elle, depuis qu’elle était entrée dans Paris aux venelles étroites et crasseuses. Pourquoi cette voix plus qu’une autre attira-t-elle son attention alors que tout alentour contribuait à son émerveillement dans ce bruissement continu, presque musical ? Elle n’aurait su le dire, mais elle baissa les yeux sur la voix comme si elle s’attendait qu’elle jaillisse de la pierre elle-même.
    Isabeau laissa échapper un petit cri de surprise. A hauteur de ses genoux, un être difforme croquait dans une pièce pour en vérifier l’authenticité. Il leva vers elle un visage simiesque et sourit de ses dents noires et espacées.
    –  Pièce tombée, pièce perdue ! répéta-t-il en l’enfouissant prestement dans sa manche.
    Isabeau ne pouvait détacher son regard du petit homme, et celui-ci paraissait content d’être ainsi examiné car il bomba le torse et redressa son front plissé sous une frange pouilleuse :
    –  Perdue, la petite dame ? Jolie elle est, vite adoptée comme un écu sur le pavé, chantonna-t-il en roulant des yeux ronds.
    Isabeau s’en amusa.
    –  Es-tu un enfant ou quelque bizarrerie de la nature ? demanda-t-elle enfin en avisant une ride qui lui barrait le front.
    –  Nain je suis, mais bien formé tu peux m’en croire, ma jolie, assura-t-il en clignant de l’œil. Croquemitaine on me dit !
    Isabeau partit d’un rire franc. Le petit homme lui plaisait. Il était disgracieux au possible et sentait fort, mais sa laideur même la rassurait. Spontanément, elle tira de sa bourse un sol et le brandit en entrant dans son jeu :
    –  Perdue je suis comme la pièce que voici. M’aideras-tu à trouver celui que je cherche ? Il me faut rencontrer le père Boussart, annonça Isabeau en fouillant dans ses souvenirs pour ne pas écorcher le nom de celui qui l’attendait à Paris sur la recommandation de l’abbé du Moutier.
    Croquemitaine afficha un large croissant sur sa face aux yeux saillants et au nez écrasé.
    –  Suis-moi, dit-il simplement en glissant dans la sienne une main d’enfant potelée.
    Isabeau se laissa entraîner. Le nain avançait vite sur les pavés, en dépit de ses petites jambes tordues, rasant les murs de la cathédrale pour la contourner. Un instant, elle se demanda s’il n’allait pas l’entraîner dans quelque coupe-gorge car, à l’abri des tilleuls dégarnis qui bordaient la bâtisse sur le flanc, se trouvaient de plus en plus de mendiants recroquevillés et d’individus aux mines patibulaires.
    Curieusement, elle éprouvait pour le petit homme une sympathie qui apaisait ses inquiétudes. D’autant qu’il lui sembla, au long de leur itinéraire, que tous ces pauvres hères la regardaient avec bienveillance et baissaient même la tête en une sorte de salut sur leur passage.
    Lorsque Croquemitaine s’arrêta devant une porte basse dont la sobriété contrastait avec le reste de l’édifice, Isabeau s’aperçut

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