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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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sa nièce, mais son épouse lui avait assuré que celle-ci ne songeait qu’à se protéger du froid. D’ailleurs François avait été saisi sitôt son retour de Clermont, et tout laissait croire qu’il avait attrapé là-bas quelque mal poussant le corps médical à le mettre en isolement.
    Il sursauta pourtant lorsque la voix cristalline d’Antoinette demanda :
    –  Nous vous offrons le gîte et le couvert de bon cœur, messire Philippus ; en échange, et malgré les conclusions de ces éminents personnages, j’aurais à cœur que vous vous portiez au chevet de mon époux.
    Philippus acquiesça vivement. Cette requête satisfaisait au fond cette partie de lui qui défiait sans cesse le corps médical. Aussi repoussa-t-il sans regret l’étincelle de prudence qu’une fois de plus son instinct allumait.
    Quelques instants plus tard, précédé d’Albérie qui portait collation au seigneur des lieux, Philippus pénétra dans la chambre dont les rideaux avaient été tirés pour apaiser les migraines du malade.
    François de Chazeron se prêta de mauvaise grâce à une nouvelle inspection de sa personne. L’accent guttural de Philippus égratignait ses oreilles, et il aurait voulu qu’on le laissât tranquille, persuadé au fond de lui que tous ces sots finiraient par le tuer plus sûrement que l’affection elle-même.
    Philippus accepta sans rechigner et avec diplomatie la mauvaise humeur de son patient, et l’examina attentivement. Il aurait pu consulter ses confrères, mais cette idée lui répugnait. Son orgueil persistait à vouloir révéler seul l’origine de ces troubles. Car, il en fut certain dès les premières minutes, ces derniers n’étaient pas communs. Sa curiosité piquée au vif, il décida qu’il les découvrirait.
    Dans la soirée la tempête se calma et, lorsqu’il regagna sa couche, ce fut avec la certitude que François de Chazeron avait été empoisonné. Il n’en dit rien pourtant, malgré l’insistance d’Antoinette qui au souper le pressa de questions devant ses confrères. Ceux-ci le regardèrent de haut, affichant un rictus de défi. Il se contenta de répondre qu’il devait vérifier les urines du matin et qu’il était délicat de se lancer dans une conclusion hâtive ; faisant ainsi la joie des médecins.
    Le lendemain, le ciel s’était dégagé et un soleil haut et salutaire transformait les cristaux de givre en un arc-en-ciel de lumière sur le vitrage. Cette deuxième nuit de vrai sommeil avait achevé de chasser la fatigue du voyage, et Philippus se sentait prêt à affronter le mystère qui entourait cette demeure.
    Lorsqu’il avisa par la croisée que ses obséquieux confrères étaient prêts à reprendre la route avec leur équipage, il se sentit le cœur léger. Sans ces trouble-fête, il allait pouvoir donner la pleine mesure de son talent. Cette seule pensée le mit en joie.
     
    Loraline brossa délicatement sa longue chevelure brune tout en étirant par instants ses membres fourbus. Autour d’elle, dans la tiédeur de la grotte, la meute de loups sommeillait, engourdie par les frimas qui, ces derniers jours, les avaient poussés à s’acharner sur les rares animaux que la jeune fille prenait au piège. Elle détestait en poser autour de son territoire, de crainte qu’une des bêtes ne s’y prenne. Même si les loups avaient appris à son contact et à celui de sa mère à se méfier des mâchoires de fer, il arrivait au moins une fois l’an que l’un d’eux se fasse prendre une patte ou la queue.
    C’était à travers eux que Loraline avait découvert ses pouvoirs. Il lui suffisait souvent d’imposer les mains pour apaiser les souffrances, sans doute parce qu’elle souffrait elle-même de voir les siens malades ou mourants. Les loups étaient sa famille avec Albérie. La seule famille qu’elle aurait jamais. Elle avait fini par se faire à cette idée, même si elle refusait l’accouplement avec les bêtes. Chaque fois qu’elle passait devant l’étagère sur laquelle des embryons monstrueux mi-humains mi-loups se trouvaient dans des bocaux, elle ne pouvait s’empêcher de frémir.
    Elle les aimait, oui, mais ne parvenait pas à comprendre comment et pourquoi sa mère avait ainsi offert son ventre à ces monstres qui, de toute évidence, ne pouvaient survivre. Albérie lui avait assuré qu’elle espérait mettre au monde un enfant-loup qui la vengerait de François de Chazeron en le dévorant, mais Loraline avait du mal à croire

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