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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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pour se souvenir non de son geste, il n’en avait pas besoin, mais qu’un bienfait n’était jamais perdu. Pour lui donner raison, quelques semaines plus tard, alors qu’il se trouvait non loin de là à cueillir des simples, deux loups affamés avaient surgi. Avant qu’il ait pu bander son arc, cette même louve, marchant sur trois pattes, s’était interposée et les avait fait fuir. Elle s’était ensuite éloignée de lui sans se retourner. Ils étaient quittes. Philippus ne craignait pas les loups. Il les respectait, sachant, à l’inverse de nombreuses gens, qu’ils n’attaquaient que poussés par la nécessité ou la faim. Le reste du temps, ils évitaient les humains. Oui, il avait eu envie de raconter son histoire à cette femme, mais il s’était tu. Il était trop fatigué et s’était simplement dit : « Plus tard… »
    À présent, il se demandait pourquoi cela lui avait semblé si important. Alors qu’Albérie se tournait vers lui, découvrant soudain sa présence au milieu du brouhaha médical, il comprit aussitôt : elle possédait le même regard que cette louve blessée.
    Ils se jaugèrent en silence un instant, puis Huc, suivant le mouvement de sa femme, s’avisa lui aussi de ce nouvel arrivant. D’une voix puissante il intima aux médecins l’ordre de se taire, et en un instant tous les regards convergèrent vers Philippus qui, mal à l’aise de son indiscrétion, s’avança en marmonnant de plates excuses.
    Antoinette se leva aussitôt, un charmant sourire éclairant ses traits tirés, et vint à sa rencontre :
    –  Ne vous excusez point, messire. Vous êtes notre invité. Avez-vous passé une bonne nuit ? J’aurais voulu vous loger mieux mais, comme vous le constatez à cette heure, Montguerlhe n’a rien d’un caprice seigneurial. Cette forteresse n’a jamais, je crois, accueilli autant de visiteurs à la fois, et les seuls logements décents que nous pouvons vous offrir sont bien frustes à côté de notre beau château de Vollore malmené par une récente tempête.
    –  J’ai dormi bien mieux, croyez-le, que ces dernières semaines, et s’il me faut, gente dame, vous l’avouer, ne souhaitais rien d’autre qu’une chaleureuse hospitalité.
    –  Bien, bien, approuva Antoinette. Albérie, servez donc collation à messire Philippus, si vous me permettez de vous nommer ainsi, car je crains d’écorcher votre nom plus d’une fois.
    –  Faites. Vous me comblerez, affirma Philippus avec sincérité, tandis qu’il prenait place en saluant ses confrères d’un signe de tête.
    Antoinette les lui présenta. Il y avait là Jean Touron de l’Aiguille, Vaquemont du Puy, Albérie de Lyon dont Philippus se souvint avoir entendu le nom à diverses reprises. Ce médecin passait pour fort habile depuis qu’il avait sauvé de la gangrène le feu roi Louis XII qui souffrait de fréquentes crises de goutte. Philippus eut aussitôt la sensation que ce n’était pas le hasard qui avait conduit l’homme en ce lieu.
    Dans le même temps, une évidence s’imposa à lui. Était-ce bien le hasard qui l’avait amené ici, lui aussi ? Il se présenta à son tour, mais instinctivement ne déclina ni son titre ni les raisons véritables de sa venue en pays thiernois.
    Pendant un court instant, ils mangèrent en silence, puis, n’y tenant plus, les médecins reprirent leur joute oratoire d’une phrase :
    –  Il faut le saigner !
    –  Stupidum ! s’insurgea Vaquemont du Puy devant Albéric qui se dressa d’un bond.
    –  Sot vous-même ! Tous les plus grands se fient à moi et aucun ne s’est plaint.
    Jean Touron repartit, acerbe :
    –  Ceux qui l’auraient voulu ne le pouvaient point, ils sont morts de vos pointures.
    –  C’en est assez ! hurla Albéric de Lyon, je ne supporterai plus ces calomnies et ces imbécillités !
    Il brandissait son doigt boudiné au-dessus de la table, ses grosses joues rebondies écarlates.
    Huc se dressa à son tour et une fois encore imposa silence. Mais, ulcéré, Albéric de Lyon se dégagea du banc, en grinçant qu’il partait sur-le-champ et que ses honoraires seraient à la mesure de son mécontentement !
    Tandis qu’il se dirigeait en fulminant vers la porte, Antoinette poussa un soupir las. Lorsqu’il fut sorti, elle planta un regard ennuyé sur les deux personnages qui buvaient leur lait en affichant leur plaisir sans aucun scrupule.
    –  Je ne sais, messires, lequel de vous il me faut croire,

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