La chambre maudite
Huc, tu dois me croire. De plus, aucun souterrain autre que celui qui mène à notre chambre ne permet d’accéder au château. Elle-même en ignore l’existence pour les raisons que tu sais. Elle continue de croire que je chemine à dos de mulet, le laissant à l’écart à cause des loups. Malgré tout, j’ai fouillé la grotte dans les moindres recoins, sans succès.
– Et cependant ce passage existe. Philippus l’a emprunté cette nuit depuis la chambre de François puisqu’il n’en est pas ressorti !
– Alors tu dois le trouver, Huc. Je souhaite plus que quiconque la mort de François, mais je ne peux supporter que ton regard m’accuse ou accuse les miens. Cet être est bien assez vil pour avoir suscité de nombreuses haines. La seigneurie de Vollore est loin d’être pauvre ; si François décède, nombreux seront aux alentours ceux qui s’empresseront de l’annexer. Loraline est une coupable idéale, Huc. Moi aussi. Tu es un bon prévôt et l’être le plus droit que je connaisse. Ne laisse pas les brumes du passé obscurcir ton jugement. Je vais veiller de mon côté à goûter chaque plat avant qu’il soit porté à table et resterai en cuisine à leur préparation. Ma méfiance éloignera peut-être la malfaisance, car celui qui attente aux jours de notre seigneur s’est acquis un complice en ces murs. Trouve-le, Huc. Non pour sauver François mais pour nous innocenter. Je refuse de perdre ta confiance. Il me suffit bien d’avoir perdu ton amour.
Huc cilla. Il l’avait écoutée en silence, suivant le fil logique de sa pensée qui rejoignait la sienne. Il l’avait crue coupable, mais elle avait raison. C’était facile et confortable pour sa conscience. Peut-être avait-il fait fausse route. Il releva le menton d’Albérie. Elle tremblait. Il ne se souvenait pas lui avoir vu visage plus tourmenté, même lorsqu’elle avait dû lui confesser sa transformation.
– Je t’aime toujours, Albérie, affirma-t-il.
Elle eut un pâle sourire. Son regard blessé se fit cruel tandis qu’elle jetait tristement :
– Et elle, l’aimes-tu, Huc de la Faye ?
– Je ne vois pas…, commença-t-il, gêné, mais elle l’interrompit d’un doigt sur sa bouche :
– Non, je t’en prie, ne mens pas. Je ne peux te reprocher de cueillir ailleurs les fruits que je te défends ; je t’ai connu friand de jouvencelles, et je ne méritais pas toutes ces années d’abstinence au nom d’un mariage jamais consommé. Mais si François de Chazeron meurt demain, Huc, quel sera ton choix ?
– Je l’ignore, avoua-t-il misérablement en baissant les yeux.
– Alors je souhaite qu’il vive longtemps.
Elle sortit de la pièce en titubant. Aussi douloureuse que lui soit cette pensée, elle était sincère.
En longeant le corridor qui ramenait à l’étage, elle perçut la voix d’Antoinette qui distribuait ses ordres aux lavandières pour que, malgré le froid, les draps souillés de François soient bassinés et battus. Une haine farouche l’étrangla, au point de devoir s’appuyer à deux mains contre la muraille pour la contenir.
Jaugeant que la voix se rapprochait d’elle, elle aspira une large goulée d’air puis força ses pieds à accélérer leur marche. La bête en elle appelait le sang. Le châtiment. Elle devait s’y dérober, se reprendre. Lorsqu’elle parvint au palier, elle s’aperçut, au souffle qui lui manquait, qu’elle venait de courir. Le couloir était désert. La garde avait été levée devant la porte de Chazeron. Sans réfléchir, elle s’y précipita, l’entrouvrit et força le seuil. François ronflait, épuisé par ses spasmes. Albérie s’agenouilla près du lit et ramena à elle le coffret contenant la coulée d’or. Il ne broncha pas. L’instant d’après, elle se précipitait sur son lit après avoir barré la porte, et malgré son audace enfouit son visage dans l’oreiller avec l’impérieuse envie de l’éventrer à pleines dents, puis, se libérant d’un bloc, elle s’effondra en larmes.
Huc retourna chaque pouce de la chambre trois jours durant, malgré l’avis de François de Chazeron qui prétendait avoir vu le diable emmener le médecin à sa place. A ses dires, l’un et l’autre avaient disparu dans les flammes. C’est donc là surtout qu’il s’appliqua à chercher. Sans succès. Il eut beau sonder toutes les parois de l’âtre, forcer chaque pierre, rien n’y fit.
Alors il appliqua ce qu’il jugea
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