Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
bien. Qu’on répartisse les plus démunis vers ces lieux d’asile. Ils ne seront pas de trop pour prier. Je me réserve Montguerlhe comme il se doit, avec mes gens.
    Huc de la Faye s’attendait à cette décision et avait déjà fait avertir son épouse Albérie de préparer les quartiers du seigneur. Malgré lui, pourtant, il ne put s’empêcher de frémir.
    Cela faisait quinze années que François de Chazeron n’avait pas remis les pieds à Montguerlhe, comme pour chasser les brumes sordides de cette nuit d’hiver où il avait livré Isabeau à la colère des loups. On n’avait rien retrouvé d’elle au petit jour, et c’était lui, Huc, qui depuis lors payait pour la faute de son maître en protégeant Albérie selon son serment, au point de lui avoir offert le mariage pour la mettre à l’abri de toute concupiscence. Il s’était pris à l’aimer malgré sa réserve, malgré le regard froid et métallique qu’elle posait sur lui depuis ce jour maudit. Il ne se souvenait pas de l’avoir vue sourire en dehors du moment où il lui avait annoncé qu’il ne forcerait jamais sa couche et qu’elle seule déciderait du fruit de leur hymen. Elle ne s’était jamais offerte, il s’était résigné à son rôle de tuteur dans celui d’époux. Il avait craint seulement que François n’exige son droit de seigneur, mais, à l’inverse de son aînée Isabeau, Albérie avait un faciès quelconque que son regard bleu dur rendait plus sauvage encore.
    François de Chazeron avait béni leur union sans seulement poser de question. Huc se demandait même parfois s’il se rappelait qui était Albérie. François de Chazeron ne s’intéressait qu’à lui.
    –  Autre chose, Huc ?
    La voix du seigneur le tira de sa rêverie. Il s’ébroua vivement.
    –  Non, messire. Tout sera fait en ce sens d’ici ce soir.
    –  Bien ! Activez-vous !
    Béryl et Huc s’acquittèrent d’une courbette et s’éloignèrent d’un pas vif vers leurs occupations respectives.
    A la tombée du jour, une longue caravane de chariots emplis de malles et d’ustensiles quitta le château seigneurial de Vollore pour la place forte de Montguerlhe, François et son épouse en tête de file avec leurs gens.
     
    Albérie se piqua le doigt avec l’aiguille à repriser et étouffa un juron. A côté d’elle, mollement assise sur une chaise à bras ouvragée, Antoinette de Chazeron brodait, ses pensées égarées dans un songe intérieur.
    Pour rien au monde la jeune femme n’aurait voulu briser le silence. Albérie répugnait d’avoir à converser avec la châtelaine, même si elle devait lui reconnaître un côté attachant et sympathique. Elle avait choisi de haïr tout ce qui touchait à François de Chazeron et s’appliquait vertueusement à sa tâche depuis quinze années. Elle cachait ses rires et ses moments secrets de bonheur, n’offrant à tous que cette grimace renforcée par l’implacable ironie de son regard métallique. Ainsi, elle se protégeait de la folie des hommes. D’ailleurs, ils ne l’intéressaient pas. Comme sa grand-mère avant elle, elle s’accordait bien mieux avec les loups qu’avec ses semblables.
    –  J’attends un enfant.
    Albérie ne réagit pas tout de suite à l’intonation timide et fluette d’Antoinette. Ce ne fut que lorsqu’elle répéta, après avoir toussoté, qu’Albérie leva la tête, le cœur battant.
    –  Vraiment ? se contraignit-elle à répondre.
    –  Je le crois en tous les cas, ajouta Antoinette en se mordant la lèvre, regrettant soudain sa confidence.
    Par moments Albérie lui faisait peur, inexplicablement. Elle s’occupait pourtant bien de l’intendance de Montguerlhe, et nul n’avait à redire de son travail ni de son service depuis une semaine qu’ils résidaient en la forteresse. Antoinette avait tenté à plusieurs reprises de percer sa réserve, mais seule la courtoisie berçait leurs échanges, comme si Albérie se forçait à son contact. Sans parler du fait qu’elle s’éloignait systématiquement dès que François s’annonçait dans la pièce où elle se trouvait.
    –  Notre seigneur doit être fort aise de cette nouvelle, commenta poliment Albérie en piquant l’aiguille suspendue à ses doigts glacés.

–  Il l’ignore encore. Il est tellement marpault 1 par ces derniers événements que je n’ose le lui annoncer.
    –  C’est prudent en effet.
    Le ton était sec, trop sec.
    –  Vous croyez ?
    Une lueur de panique voila le

Weitere Kostenlose Bücher