La chance du diable
frapper contre Hitler à la mi-novembre. Mais qui s’en chargerait ? Approché par Stauffenberg en octobre 1943, le colonel Stieff refusa. Il fallut différer la tentative. Le colonel Joachim Meichssner de l’état-major opérationnel de la Wehrmacht fut à son tour sollicité au printemps 1944, mais refusa lui aussi. Entre-temps, Stauffenberg avait été présenté au capitaine Axel Freiherr von dem Bussche, auquel son courage sur le terrain avait valu, entre autres décorations, la Croix de fer de première classe. La vue du massacre de plusieurs milliers de Juifs en Ukraine, au mois d’octobre 1942, l’avait marqué durablement et ouvert à l’idée de se débarrasser de Hitler et de son régime. Sollicité par Stauffenberg, il se dit prêt à sacrifier sa vie en lançant une grenade dégoupillée sur le Führer lorsqu’il visiterait une exposition de nouveaux uniformes.
La malchance continua de poursuivre ces plans. En décembre 1943, une exposition de ce genre dut être annulée lorsque le train qui transportait les uniformes fut touché par un raid aérien et son contenu détruit. Avant qu’on pût le rappeler pour une nouvelle tentative, Bussche fut grièvement blessé sur le front est en janvier 1944 et perdit une jambe. Stauffenberg dut chercher quelqu’un d’autre pour accomplir ses plans.
Le lieutenant Ewald Heinrich von Kleist, fils d’un propriétaire foncier prussien hostile à Hitler depuis longtemps, se dit alors prêt à le remplacer. Tout fut organisé en vue de la visite d’une autre exposition d’uniformes par Hitler, à la mi-février. Mais l’exposition fut une fois encore annulée.
Une autre opportunité se présenta lorsque le Rittmeister (capitaine de cavalerie) Eberhard von Breitenbuch, ordonnance du feld-maréchal Busch (successeur de Kluge au poste de commandant en chef du groupe d’armées centre) et déjà initié aux plans pour éliminer Hitler, eut l’occasion d’accompagner Busch lors d’un briefing militaire au Berghe, le 11 mars 1944. Breitenbuch était hésitant à l’idée d’employer une bombe, mais s’était dit prêt à tirer une balle dans la tête du dictateur. Son Browning était dans la poche de son pantalon. Il était prêt à tirer dès qu’il serait auprès de Hitler : mais cette fois-ci, les ordonnances ne furent pas autorisées à participer au briefing. Une fois encore, la chance fut du côté de Hitler.
Stauffenberg lui-même commença à se décourager, d’autant que les Alliés s’étaient solidement implantés sur le sol français. La Gestapo avait eu vent de l’opposition : l’arrestation d’un certain nombre de chefs de file du mouvement souligna que le danger s’accroissait. Ne valait-il pas mieux attendre maintenant l’inévitable défaite ? Un attentat réussi contre Hitler serait-il autre chose qu’un geste largement gratuit ? Tresckow répondit qu’il était vital que le coup d’État ait lieu, que le monde extérieur sache qu’il existait un mouvement allemand de résistance prêt à sacrifier la vie de ses membres pour renverser un régime aussi épouvantable.
Une dernière occasion se présenta. Le 1 er juillet 1944, Stauffenberg, qui avait été promu colonel, fut nommé chef d’état-major de Fromm, en fait son adjoint. Cela lui offrit ce qui avait manqué jusqu’ici : l’accès à Hitler lors des briefings militaires consacrés à l’armée intérieure. Il n’avait plus besoin de chercher quelqu’un pour accomplir l’assassinat. Il pourrait le faire lui-même. Il apparut plus clairement que jamais que c’était la seule solution lorsque Stieff repoussa une seconde fois la sollicitation de Stauffenberg pour tuer Hitler lors de l’exposition d’uniformes, qui finit par se tenir au château de Klessheim, près de Salzbourg, le 7 juillet.
Que Stauffenberg jouât le rôle de l’assassin créait cependant une nouvelle difficulté : sa présence était en même temps nécessaire à Berlin pour organiser le coup d’État depuis le siège de l’armée de réserve. Ce double rôle ne faisait qu’augmenter les risques d’échec. C’était loin d’être idéal, mais la chose était à tenter.
Le 6 juillet, en sa qualité de chef d’état-major de Fromm, Stauffenberg assista pour la première fois à des briefings de deux heures au Berghof. Il avait des explosifs avec lui. Mais il semble qu’aucune occasion appropriée ne se soit présentée. En tout état de cause, il ne fit alors
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