La chance du diable
Gestapo à Paris, limogea le général, dénonça ses actions à Keitel et félicita ensuite Hitler d’avoir survécu à une telle trahison.
Dans l’intervalle, l’heure du dénouement était arrivée à Berlin. En fin de matinée, Gœbbels avait accueilli Speer au ministère de la Propagande pour un discours sur la situation de l’Allemagne dans le domaine des armements devant un cercle de ministres, de hauts fonctionnaires et d’industriels. Après que Gœbbels eut levé la réunion, il avait entraîné Walther Funk et Albert Speer dans son bureau pour y discuter de la mobilisation des dernières ressources en Allemagne. Au milieu de leur discussion, il avait reçu un coup de fil urgent du QG du Führer. Malgré le blocage rapide des communications, une ligne directe était apparemment demeurée ouverte. L’appel venait du chef de presse, Otto Dietrich : on avait attenté à la vie de Hitler. C’était quelques minutes après l’explosion. On avait encore peu de détails, si ce n’est que Hitler était vivant. Apprenant que l’on soupçonnait des ouvriers qui travaillaient là-bas, Gœbbels reprocha vivement à Speer de n’avoir pas pris des mesures de sécurité plus strictes.
Au cours du repas, le ministre de la Propagande se montra étonnamment calme et pensif. De manière un peu surprenante, étant donné les circonstances, il se retira ensuite pour sa sieste habituelle. Il fut réveillé entre 14 et 15 heures par le chef de son bureau de presse, Wilfried von Oven, qui venait de recevoir un coup de fil du bras droit de Dietrich, Heinz Lorenz. Tout agité, celui-ci avait dicté un court texte – rédigé, assurait-il, par Hitler lui-même – destiné à être diffusé aussitôt sur les ondes. La sécheresse de la formulation ne plut guère à Gœbbels : il y avait peut-être urgence à le diffuser, mais il fallait d’abord s’assurer qu’il fut convenablement rédigé pour la consommation publique. À ce stade, le ministre de la Propagande n’avait visiblement aucune idée de la gravité de la situation ; il ignorait que des officiers étaient impliqués et que le signal du soulèvement avait été donné. Croyant qu’un manquement aux règles de sécurité avait permis à des ouvriers de perpétrer un attentat, il avait su que Hitler était vivant. Et c’était tout. Son comportement après avoir appris la nouvelle, puis au cours de l’après-midi, quand il vaqua à ses affaires courantes et tarda inhabituellement à diffuser le communiqué réclamé d’urgence par le QG de Hitler, n’en est pas moins bizarre. Peut-être avait-il décidé que le moment critique était passé, et que mieux valait attendre d’en savoir plus pour diffuser un communiqué de presse. Plus probablement voulait-il se réserver, ne sachant trop comment les choses allaient tourner.
Après ce long intermède, les nouvelles informations reçues de la « Tanière » l’arrachèrent à son inaction. Il appela Speer et le pria de tout laisser tomber et de le rejoindre de toute urgence chez lui, près de la porte de Brandebourg. Là, il lui confia qu’il avait appris par le QG de Hitler qu’un putsch militaire de grande ampleur était en cours dans l’ensemble du Reich. Speer lui offrit aussitôt ses services pour essayer de déjouer et d’écraser le soulèvement. Quelques minutes plus tard, Speer aperçut des troupes en armes dans la rue. Elles sonnèrent à l’immeuble. Il était autour de 18 h 30. Gœbbels jeta un coup d’œil et disparut dans sa chambre pour fourrer dans sa poche une petite boîte de comprimés de cyanure « afin de parer à toute éventualité ». Il s’inquiétait de n’avoir pas réussi à localiser Himmler. Peut-être celui-ci était- il tombé entre les mains des putschistes ? Peut-être même était-il derrière le coup d’État ? Les soupçons allaient bon train. L’élimination d’un personnage aussi important que Gœbbels aurait dû être une priorité pour les conjurés. Fait stupéfiant, nul n’avait songé ne serait-ce qu’à couper sa ligne téléphonique. Ce simple détail et le fait que les chefs de file du soulèvement n’eussent pas diffusé de proclamation à la radio persuadèrent le ministre de la Propagande que tout n’était pas perdu quand bien même il avait des échos inquiétants de mouvements de troupes à Berlin.
Le bataillon de gardes entourant la maison de Gœbbels était placé sous l’autorité du commandant Otto
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