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La chance du diable

La chance du diable

Titel: La chance du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ian Kershaw
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s’était sorti de l’explosion avec des blessures relativement superficielles. Comme pour souligner son indestructibilité et la virilité avec laquelle il savait dominer sa douleur, il prit les séquelles de l’attentat à la légère et il lui arriva même d’en plaisanter avec son entourage. Toutefois, elles étaient moins insignifiantes qu’il ne voulait bien le laisser entendre. Près d’une quinzaine de jours après l’attentat, le sang suintait encore des bandages recouvrant les plaies. Son oreille droite le faisait particulièrement souffrir, et son acuité auditive en pâtit. Il fut traité par le Dr Erwin Giesling, oto-rhino-laryngologiste d’un hôpital voisin, puis par le professeur Karl von Eicken, qui lui avait retiré un polype de la gorge en 1935 et que l’on fit alors venir en avion de Berlin. Mais ses tympans crevés  – sa blessure la plus grave  – continuèrent de saigner pendant quelques jours et mirent plusieurs semaines à cicatriser. Pendant un temps, il crut qu’il n’entendrait plus jamais de l’oreille droite. Les troubles de l’équilibre dus à ses problèmes d’oreille interne lui faisaient tourner les yeux vers la droite au point qu’il avait tendance à pencher de ce côté-là en marchant. Il était aussi sujet à des vertiges ou à des malaises fréquents et souffrait d’hypertension. Il paraissait vieilli, malade et tendu. Onze jours après l’attentat, il expliqua, lors du briefing militaire quotidien, qu’il n’était pas en mesure, pour l’instant, de parler en public. Il était incapable de rester debout très longtemps, redoutait un vertige soudain et s’inquiétait aussi de ne pouvoir marcher droit. Quelques jours plus tard, il confia à son médecin, le Dr Morell, que les semaines écoulées depuis l’attentat avaient été « les pires de sa vie   », ajoutant qu’il avait dominé les difficultés « avec un héroïsme qu’aucun Allemand ne saurait imaginer   ». Étrangement, le tremblement de sa jambe gauche et de ses mains devait quasiment disparaître à la suite de l’explosion. Morell l’attribua au choc nerveux. À la mi-septembre, cependant, le tremblement était revenu. À cette date, les doses quotidiennes massives de comprimés et d’injections ne pouvaient plus enrayer la lente dégradation de son état de santé. Quant aux effets psychologiques, ils furent au moins aussi graves.
    Sa méfiance et son sentiment de trahison allaient maintenant confiner à la paranoïa. Très vite, on prit de nouvelles précautions à l’extérieur. Au QG du Führer proprement dit, les mesures de sécurité furent tout de suite considérablement renforcées. Lors des briefings militaires, toutes les personnes présentes étaient désormais systématiquement fouillées pour s’assurer qu’elles n’avaient pas d’armes ou d’explosifs sur elles. La nourriture de Hitler et ses médicaments étaient testés pour s’assurer qu’ils n’étaient pas empoisonnés. Toutes les denrées alimentaires qu’on lui offrait – notamment les chocolats ou le caviar, dont il raffolait  – étaient immédiatement détruites. Mais en aucune façon les mesures de sécurité extérieures n’atténuèrent ce choc profond   : certains de ses généraux s’étaient retournés contre lui. Selon Guderian, qu’il nomma pour succéder à Zeitzler au poste de chef d’état-major général quelques heures après l’attentat, « il ne croyait plus personne. Il était déjà passablement difficile de traiter avec lui   ; ce devint alors un supplice qui ne cessa d’empirer de mois en mois. Il lui arrivait souvent de perdre tout empire sur lui et son langage se fit de plus en plus violent. Il ne trouvait plus d’influence modératrice dans le cercle de ses intimes...   »
    Si Hitler ne manquait jamais une occasion de souligner qu’il avait bien eu raison de se méfier de ses chefs militaires, et alors même qu’il avait trouvé les boucs émissaires dont il avait besoin pour s’expliquer les revers essuyés sur tous les fronts, jamais il n’avait imaginé qu’un complot pour le renverser pût être armé par les hommes les plus proches du cœur du régime, en particulier par des officiers qui, loin de concentrer toute leur énergie pour la victoire de l’Allemagne, faisaient tout leur possible pour miner l’effort de guerre de l’intérieur. En 1918, suivant sa vision déformée des semaines capitales de la défaite et de la révolution, les ennemis

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