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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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Resté seul dans son lit, Pierre s’était senti si misérable, si
     désemparé. Comment faire pour affronter le monde le lendemain ?
    Ce qui le sauva fut la présence de sa sœur Yvette et de ses cousins Gagné qui
     restèrent à ses côtés. Lorsqu’ils arrivèrent devant l’école, les autres élèves
     les dévisagèrent et se mirent à ricaner. La maîtresse devait être à l’intérieur.
     Yvette, Sophie cachée derrière son dos, lança un regard méprisant à la ronde.
     Delphis leur fit un sourire gêné en voulant dire : « Ben voyons, les gars, c’est
     mon cousin ! »
    À partir de cette deuxième journée d’école, les clans furent formés. Les
     cousins et les autres… Tenant Sophie par la main, Yvetteaffrontait les ennemis du regard, avec des paroles et parfois des coups de
     pied. Pierre fuyait leurs quolibets, pliait sous les grimaces, recevait les
     coups. Somme toute, on laissa les filles tranquilles. Ce fut une autre paire de
     manches pour les deux cousins. Les autres enfants, en plus de faire damner
     « Pierre le balafré, Pierre le prince des carottes, Pierre le p’tit Joe
     connaissant », se mirent à traiter Delphis aux cheveux frisés de « mouton
     peureux, mouton suiveux et mouton affreux… »
    Cela dura plusieurs semaines puis les enfants se lassèrent. La plupart des
     élèves avaient tout de même un bon fond et ne trouvèrent plus rien d’amusant à
     blesser les cousins. Surtout que Mademoiselle Potvin était continuellement sur
     le dos de Pierre et qu’elle se révélait de plus en plus méchante. L’ostracisme
     envers le nouveau lors de la rentrée scolaire, encouragé et alimenté par leur
     maîtresse, se transforma en un sentiment de pitié général pour ce gêné de
     rouquin qui devait, presque tous les jours, recevoir des coups de règle sur les
     doigts, se faire ridiculiser devant tout le monde ou encore se faire cracher des
     bêtises par leur institutrice. Cela créait un tel climat de tension dans la
     classe que bien des élèves commencèrent à s’en plaindre à leurs parents mais du
     bout des lèvres. Pas un adulte ne prit cela au sérieux. Les élèves n’osèrent
     aller plus loin au cas où cela ne vienne à l’oreille de l’enseignante. Tous la
     craignaient tellement.
    Sauf Yvette qui ne baissait jamais les yeux devant le regard acéré de la femme.
     Elle répondait, avec toujours beaucoup d’aplomb, aux questions de mademoiselle
     Potvin. Ce courage força l’admiration. On aurait pu croire que la maîtresse
     aurait cherché à casser la personnalité récalcitrante d’Yvette et pourtant, elle
     ne jeta son dévolu que sur Pierre. Si mademoiselle Potvin n’avait pas eu cette
     attitude envers lui, ses compagnons de classe auraient passé par-dessus la
     couleur de ses cheveux et ils auraient joué ensemble au ballon ou à la cachette.
     Mais le regard méprisant que lançait mademoiselle Potvin quand elle sortait
     sonner la cloche et qu’elle s’apercevait qu’un autreenfant
     avait osé se tenir avec le prince des carottes les tenait à distance.
    Cette situation devint invivable pour Delphis et celui-ci se mit à délaisser
     son cousin pour aller jouer lui aussi. Pierre ne lui en tenait pas rigueur. Il
     comprenait. Yvette continuait à le protéger. Tous les jours de la semaine, il se
     rendait à l’école comme on se rend à l’abattoir. Il rentrait la tête dans les
     épaules et laissait l’institutrice se défouler sur lui, endurant les sévices et
     les réprimandes. Il avait ordonné à Yvette de ne rien dire à la maison. Leur
     père étant parti aux chantiers, leur mère avait déjà assez de soucis.
    Les Fêtes de Noël lui apportèrent un doux répit et c’est avec joie qu’il passa
     ce long congé à la maison, à jouer dans la neige avec ses frères et sœurs. Mais
     hélas, il eut beau prier et prier, le temps ne s’arrêta pas et il dut reprendre,
     en cette nouvelle année 1935, le chemin tant détesté qui menait à l’école.
     Mademoiselle Potvin retrouva avec délice son souffre-douleur et redoubla de
     perfidie. Pierre avait beau se rappeler les paroles de son père le soir de sa
     première journée d’école et essayer de relever la tête, il n’y parvenait pas.
     Pourquoi avait-il les cheveux roux et une cicatrice ? C’était trop injuste ! Et
     pourquoi mademoiselle Potvin l’haïssait-elle tant ? Même le grand Bérubé, le
     cancre de la classe, avait droit à un

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