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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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traitement plus charitable de la part de
     la méchante femme. À douze ans, celui-ci était un cas désespéré et passait son
     temps à tirer les tresses de la fille Savard assise devant lui et pour qui il
     avait le béguin. De temps en temps, Mademoiselle Potvin appelait le pauvre
     Bérubé à son bureau et, sortant la grande règle de bois, en assenait plusieurs
     coups mais sans plus. Elle frappait en silence, sans y mettre de passion, comme
     si elle se devait de le faire, un point c’est tout. Elle avait même une
     expression de lassitude. Comme s’il s’agissait d’une leçon de géographie. Alors
     Bérubé grimaçait un peu, faisait semblant d’avoir bien mal et retournait à son
     pupitre en faisant un clin d’œil aux autres élèves. Il avait la paix pour
     plusieurs semaines. Avec les années, Bérubé avaitappris que le
     meilleur moyen de s’en sortir était de simuler la douleur et de contenter ainsi
     la maîtresse.
    Quand c’était Pierre qu’elle plaçait à côté de son grand bureau de bois,
     c’était avec un réel plaisir qu’elle le frappait. Pierre détestait cette
     maîtresse. À la fin de cette interminable année scolaire, toutes les nuits du
     mois de juin, Pierre rêva qu’il arrivait au dernier jour d’école et qu’on lui
     apprenait que la femme était morte. Il se mettait à danser de joie. Mais au
     réveil, il désenchantait et il recomptait désespérément le nombre de jours le
     séparant des vacances d’été.

    Marie-Alma Potvin, assise derrière son bureau de bois, scrutait les enfants en
     train de faire un exercice d’arithmétique sur leur ardoise. Elle avait exigé le
     silence et guettait le moindre signe de désobéissance. Est-ce que la journée
     allait enfin se terminer ? C’était la fin de juin. Il ne manquait que la visite
     de l’inspecteur d’école, prévue pour la semaine suivante et elle aurait deux
     longs mois de paix. Marie-Alma détestait faire la classe. Son salaire était
     ridicule, sa tâche beaucoup trop lourde et les enfants insupportables. L’école
     était petite, on passait l’hiver à y geler. L’odeur des mitaines mouillées,
     séchant près du poêle, lui levait le cœur. L’été, on étouffait de chaleur et la
     sueur de tout le monde rendait l’air irrespirable. Sans parler de sa minable
     chambre à l’étage où elle mourait de solitude. C’était le seul choix qui s’était
     présenté à elle, à part devenir religieuse, quand son fiancé l’avait laissée
     tomber. Un fiancé aux cheveux roux.

    Grâce au ciel, les vacances arrivèrent et Pierre retrouva son bonheur. Il y eut
     deux grands événements cet été-là. Le premier fut la naissance d’un nouveau
     petit frère, une journée de juillet. Ils avaient étéréveillés
     tôt le matin et leur père les avait entassés dans la charrette pour aller les
     mener chez leur oncle Georges. Il n’était revenu les chercher que tard le soir,
     l’air heureux, annonçant qu’un autre garçon qu’ils nommeraient Léo était arrivé.
     Le lendemain, Pierre avait été autorisé à aller embrasser sa mère dans sa
     chambre. Il avait été surpris de la voir couchée, son gros ventre des derniers
     mois disparu et dans un petit berceau, un bébé endormi. C’était drôle, à
     Montréal, il ne se souvenait pas comment Jean-Baptiste était né. Il ne
     comprenait pas trop. Il avait bien vu sa mère, le ventre comme un rocher, se
     tenir le bas des reins, se plaindre que ce bébé donnait des coups de pieds et
     l’empêchait de digérer comme il faut. Il en avait donc déduit qu’il y avait
     quelque chose dans le ventre de sa mère. Et ce quelque chose devait être un bébé
     mais... ce bébé était entré par où ? Et pour sortir, il s’y était pris de quelle
     façon ? Tout ce qui concernait les naissances tenait du plus grand secret. La
     chambre de leurs parents leur était interdite, et juste le fait d’y être à ce
     moment lui faisait un drôle d’effet. Il aurait aimé savoir, poser des questions
     à sa mère, mais jamais il n’aurait osé. Au printemps, il avait entraîné Delphis
     avec lui jusqu’à l’étable où il savait que son oncle était pour s’occuper des
     veaux à naître. La porte du bâtiment était bien close sur ces mystères. Les
     adultes leur avaient interdit d’approcher, cependant la curiosité de Pierre
     était si grande. Les vaches avaient un gros ventre comme sa mère... Ils
     s’étaient

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