La chapelle du Diable
son manteau un objet de forme ronde.
— Une rondelle !
— Je suis un homme d’Église, mais j’ai déjà été un p’tit gars, vous savez.
J’adore jouer au hockey ! Je me suis permis de venir me joindre à vous !
Henry prit la rondelle et le remercia.
— Nos équipes sont complètes… ajouta-t-il. À moins que vous remplaciez une
femme ? pensa-t-il à haute voix.
Marie-Ange, d’un coup de bâton de hockey, lui envoya à la figure une des
crottes de cheval. La rondelle de fumier manqua de peu le prêtre et alla frapper
de plein fouet le dos de Ti-Georges qui, penché, finissait de pelleter, avec
François-Xavier, l’espace qui servirait à la joute.
Il se redressa et regarda l’obus d’un air dégoûté.
— Qui a fait ça ? demanda-t-il.
Marie-Ange se mit à rectifier le foulard de Sophie d’un air innocent.
Le curé reprit :
— J’ai une meilleure idée : avez-vous un arbitre ?
— Euh, non, j’y avais pas pensé… avoua l’organisateur.
— Bien, vous en avez un astheure, pis vous pouvez être certain de son
impartialité !
Henry regarda avec consternation l’homme en soutane aller saluer
François-Xavier et Ti-Georges. Un peu découragé, il laissa les équipes se
placer. Des femmes, des fillettes et un curé comme arbitre… Toute une partie en
perspective !
Il n’y avait pas de lames de patins pour tout le monde alors il avait été
décidé que tous joueraient en bottes. Rolande tirait un traîneau de bois dans
lequel elle avait chaudement installé Antoinette. Avec Laura, Samuel,
Jean-Baptiste, Augustin et les jumeaux, ils constituaient les spectateurs. La
jeune femme ne resterait que pour le début de la partie. Elle devrait rentrer
pour s’occuper d’Hélène, qui n’en avait plus pour longtemps à dormir.
— Alors, les Rousseau, on tremble dans nos culottes ? cria Ti-Georges à ses
adversaires avant la mise au jeu.
Au nom de son équipe, François-Xavier répliqua :
— On a juste peur de tellement réussir de buts qu’on pourra pus les
compter !
Le curé Duchaine tint la rondelle au-dessus de sa tête. D’une voix forte, il
annonça :
— Attention, à vos jeux, c’est parti !
Du fond de son but, fabriqué avec des bidons de lait, Henry n’en crut pas ses
yeux. C’était la mêlée générale. Il ne fut pas long à comprendre que les femmes
s’étaient donné le mot pour jouer avec leurs propres règles, où tous les coups
semblaient permis. Les fillettes s’accrochaient aux jambes des adultes, les
empêchant ainsi de recevoir une passe. Marie-Ange poussait et retenait par le
bras François-Xavier qui criait au curé de sévir, que ce n’était pas juste !
Julianna prit la rondelle entre ses mains et courut jusque devant le butadverse. D’un air coquin, elle regarda un instant son neveu
Jean-Marie et, d’un petit coup sec, elle compta un but ! Ti-Georges s’époumona
et hurla à la tricherie. Henry délaissa son but et alla rejoindre les joueurs
qui devant Jean-Marie parlaient l’un par-dessus l’autre. Même l’arbitre en robe
noire y allait de son point de vue.
— Mon but est bon ! tempêtait Julianna.
— Non, on a pas le droit de prendre la rondelle dans les mains ! intervint
Henry.
— On le savait pas, monsieur l’avocat. Il fallait le dire avant. Le point est
bon !
— Tout le monde sait ça ! C’est du hockey !
— Excuse-nous Henry, on est rien que des pauvres femmes sans cervelle !
Le point fut gardé, contre la promesse de jouer comme il faut. Henry retourna
en maugréant à son but. Le curé n’eut pas le temps de redonner le signal de mise
au jeu que Julianna repoussa la rondelle, avec son bâton cette fois, entre les
deux bidons !
L’équipe des Rousseau sauta de joie. On repartit la polémique. Le but ne
comptait pas, la mise au jeu n’avait pas été faite. Julianna fit son fameux
sourire et dit :
— Ah ! bon… C’est quoi, une mise au jeu ?
Le point fut conservé. C’était donc deux à zéro pour les Rousseau. Ti-Georges
bougonnait et commençait à dire que s’ils avaient un gardien de but qui n’était
pas une passoire, ça irait mieux. Jean-Marie répliqua qu’il voudrait bien y voir
son père, qu’il ne ferait pas mieux ! Le jeu reprit. Elzéar réussit à attraper
la rondelle et fit une remontée remarquable jusqu’au but de Henry. L’avocat ne
put rien faire quand la rondelle
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