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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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un hiver dans le froid pis l’humidité.
    — Ben là on a un problème, parce que je vois pas pantoute où tu
     veux le mettre dans la p’tite maison de ta tante à Roberval.
    — J’ai ben réfléchi, pis tu vas débâtir le mur du salon, pis on va pouvoir le
     placer à côté des escaliers.
    — Hein ? Débâtir le mur du... Ben voyons donc Julianna, ç’a pas de bon sens
     c’que tu dis là ! Y en est pas question un point c’est toute ! se fâcha
     l’homme.
    Le visage de Julianna se ferma. Elle savait que sur ce point, elle ne
     l’emporterait pas. Pas quand son mari adoptait ce ton. Froidement elle
     rétorqua :
    — Excuse-moé, j’ai ben de l’ouvrage qui m’attend dans la maison. Pis il faut
     que j’aille voir à Pierre, il a pleuré.
    — Pierre ? Ben non, j’ai rien entendu !
    — On sait ben, t’entends jamais rien.
    Sans un mot, Julianna quitta le hangar.
    François-Xavier se dit que tout allait de mal en pis. Son ami, sa femme... Il
     avait assez de problèmes sans avoir celui d’un maudit piano en plus ! Mais il
     savait pertinemment qu’avec Julianna cela n’en resterait pas là tant qu’elle
     n’aurait pas eu gain de cause... Il était dans le trouble. Il devait trouver une
     solution.
    Ce fut Ti-Georges qui lui offrit la porte de sortie dont il avait besoin
     lorsqu’il se rendit à la ferme voisine le lendemain.
    Offrir ses excuses à Ti-Georges fut beaucoup plus facile qu’il ne l’avait
     craint. Son ami l’avait fait entrer dans la cuisine et avait immédiatement lu
     dans les yeux de son visiteur le regret, la supplique de tout oublier, de passer
     l’éponge... Ti-Georges eut un grand sourire et ne laissa pas à François-Xavier
     le temps de dire un mot qu’il l’accueillait comme si rien ne s’était
     passé.
    — Viens t’asseoir, mon ami ! Marguerite, apporte-nous la bouteille pis deux
     verres !
    Soulagé, François-Xavier retira sa casquette et prit place à la table de la
     cuisine. L’amitié, la vraie, ne se nourrit jamais de rancune.
    Les deux hommes trinquèrent puis le sujet vint naturellement au
     départ de leurs familles. François-Xavier offrit un coup de main. Affairée dans
     un coin de la cuisine, Marguerite démêlait différents objets en vue du
     déménagement. Enceinte de cinq mois, la jeune femme n’avait pas bonne mine et
     semblait épuisée. Néanmoins, elle ne pouvait se permettre de se reposer. Il y
     avait tant à faire. Les meubles à entreposer, le grand ménage, les
     valises...
    Non, ce n’était vraiment pas l’ouvrage qui lui manquait. Tandis que les hommes
     conversaient, silencieuse, elle continua son travail tout en laissant vagabonder
     ses pensées. Que c’était triste d’abandonner son chez-soi, se disait-elle. Ses
     deux fils étaient bien les seuls à ne pas s’en faire avec cette tragédie. Ils
     passaient leur journée à jouer dehors, à se chamailler comme si de rien n’était.
     Leur dernière trouvaille était de faire des guerres de boue dans l’ancien
     potager. Cette année, elle avait dû se résigner à voir ses beaux grands rangs
     d’oignons, de carottes et de laitues se faire submerger. Elle ne réprimandait
     pas ses fils. Jean-Marie avait bien besoin de se dépenser après son repos forcé.
     Il lui avait confié combien cela lui avait été pénible d’être ainsi alité
     pendant trois longues semaines. Non pas parce que sa tante n’avait pas bien pris
     soin de lui, au contraire ! Julianna avait le tour avec les enfants et l’avait
     diverti avec des spectacles de musique, des séances de théâtre ou la lecture de
     romans. Julianna avait de la chance ! Elle avait reçu une grande éducation. Elle
     savait très bien lire, écrire et compter ! Elle parlait même anglais !
     Marguerite aurait tant aimé pouvoir aller à l’école... Hélas, son père avait
     jugé inutile d’instruire une fille et avait décrété que sa place était à la
     maison.
    Marguerite revit les étagères remplies de livres dans le salon de sa
     belle-sœur. Elle ne savait même pas que cela pouvait exister ! Elle en avait le
     vertige. Cette bibliothèque montait jusqu’au plafond ! De beaux livres bruns,
     rouges, cartonnés ou à la couverture de cuir qui narguaient Marguerite, la
     défiant d’en prendre un, de l’ouvrir et d’essayer d’en déchiffrer le contenu.
     Marguerite se dit que si jamais elleavait enfin la chance
     d’avoir une fille, celle-ci ferait son école,

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