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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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orphelins.
    — Donner le piano d’la sœur ! Ben tu vivras pas vieux, toé !
    — Pas vraiment donné mais prêté... Comme si on le plaçait à l’orphelinat, juste
     en attendant... pour l’hiver, en pension. A dit que le froid va le briser pis
     qu’a le laissera pas dans maison pour rien au monde ! Chez les frères, y va être
     au chaud !
    — Ben bateau, j’veux être là quand tu vas lui annoncer la nouvelle ! On aura
     tout entendu ! Donner le piano aux orphelins !
    — Prêté Ti-Georges, prêté ! Tu vas voir, a pourra pas rien dire !

    — C’est vraiment gentil Marguerite de venir m’aider à paqueter.
    — Entre belles-sœurs faut s’aider.
    Julianna sourit à son amie. Installées dans le salon, Pierre endormi, Elzéar et
     Jean-Marie jouant dehors, les deux femmes en profitaient pour ranger les livres
     dans une grosse caisse de bois. Grimpée sur une chaise, Julianna tendait un à un
     les précieux ouvrages littéraires à sa belle-sœur.
    — François-Xavier dit que c’est rien que pour l’hiver, mais je voulais pas
     prendre de chance pis risquer que mes livres s’abîment, soupira Julianna.
    Marguerite regarda autour d’elle.
    — Ça fait drôle, pus de piano icitte ! fit-elle remarquer.
    — C’est vide, hein ! C’est une bonne idée que François-Xavier a eue là... Pis à
     la maison de Roberval, y en a un p’tit, un modèle droitqui date
     de Mathusalem mais au moins je pourrai jouer un peu.
    — C’est tellement beau quand tu joues…
    Julianna la remercia du compliment.
    — Quand tu joues, reprit Marguerite, pis que le soleil rentre par la fenêtre
     pis qu’y va sur tes cheveux, on dirait une image sainte...
    Julianna descendit de son instable position.
    — Pourtant, François-Xavier dit que j’ai des cornes... dit-elle joyeusement en
     empilant avec soin quelques livres dans la caisse.
    — J’vas tellement m’ennuyer de toé, Julianna, avoua tout à coup Marguerite,
     presque dans un souffle.
    Julianna regarda son amie. Elle resta silencieuse un moment. Elle se sentait
     tout à coup presque mal à l’aise en la présence de Marguerite, ressentant un
     drôle de sentiment qu’elle ne pouvait s’expliquer… Elle secoua la tête et
     décréta :
    — Assez travaillé pour cet après-midi. C’est l’heure d’un morceau de gâteau !
     Viens, on va aller retrouver les enfants pis j’vas vous raconter comment j’ai
     donné un concert sur mon piano pour les orphelins.
    Sans attendre son amie, Julianna se sauva dehors à la recherche de ses neveux.
     Marguerite la suivit des yeux un instant, pensive.

    Le déménagement s’était assez bien déroulé et Julianna n’avait pas vu l’automne
     passer ni l’hiver arriver. Roberval se préparait pour le temps des Fêtes. Petit
     Pierre trottait maintenant à quatre pattes partout dans la maison et n’avait pas
     de plus beau jeu que celui de vider le bas de l’armoire dans lequel Julianna
     plaçait ses casseroles. Elle adorait son fils. Peut-être un peu trop...
     L’après-midi, elle faisait une courte sieste, son bébé couché sur son ventre. Le
     soir, elle passait des heures à le bercer et à l’endormir en lui chantonnant de
     jolies berceuses.
    François-Xavier, lui, quittait la maison très tôt et ne revenait quepour prendre ses repas. Il avait réussi à se trouver du travail
     à la nouvelle base aérienne de la ville. Il aidait à la construction d’un hangar
     et à différents travaux de maintenance. Il ne comprenait pas comment ces hommes,
     ces aviateurs anglais, pouvaient embarquer dans ces drôles d’oiseaux. Il avait
     emmené Julianna faire un tour et celle-ci, parlant anglais, avait eu tôt fait de
     charmer ses patrons. Il la revoyait, son petit manteau de laine sur le dos, un
     chapeau assorti sur la tête. Elle était si belle, sa Julianna. Il se demandait
     encore pourquoi elle avait accepté de l’épouser. Même dans les yeux de ses
     patrons, il avait lu l’étonnement et la même question qu’il se posait lorsqu’il
     leur avait présenté son épouse.
    François-Xavier sentit la colère bouillonner en lui. Tout était de la faute à
     la compagnie. Avant, il vivait dans la plus belle maison à la ronde, était son
     propre patron et possédait une grande fromagerie, équipée, moderne ! Maintenant,
     il en était réduit à enfoncer des clous, à passer le balai et à répondre « Yes
     sir, no sir ». Il avait si honte. Même si Léonie leur

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