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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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Marguerite.
    — Oui, mais c’est si beau !
    Les deux femmes se turent un moment.
    — Julianna ?
    — Hum ?
    À la chaleur du feu, Julianna se sentait somnolente. Elle avait fermé un peu
     les yeux.
    — On était ben ensemble cet hiver, hein ?
    — Hum, hum, approuva d’un air assoupi Julianna.
    Un silence passa, troublé seulement par le crépitement du feu.
    — Julianna ?
    — Oui ?
    — Je t’aime… souffla Marguerite.
    Julianna ouvrit les yeux. Un instant, elle hésita avant de répondre.
    — Moé itou Marguerite, je t’aime… beaucoup.

    François-Xavier admirait sa femme tenant dans le creux de ses bras sa petite
     Yvette âgée de trois jours. Ils étaient arrivés au début de la journée et
     Marguerite les avait accueillis en héros et lui avaitdésigné du
     menton la chambre. Il avait compris. À la vue du ventre rond de sa femme,
     Ti-Georges s’était exclamé :
    — Bateau ! Y en a un autre en route !
    François-Xavier avait entrebâillé la porte de la chambre. Julianna n’avait rien
     dit. Couchée, son nouveau-né dans les bras, elle s’était contentée d’ignorer son
     mari d’un air fermé. Dans le fond, elle lui en voulait tellement de ne pas avoir
     été là pour la venue du bébé. François-Xavier lui avait annoncé qu’il allait
     prendre la peine de se laver avant de venir la voir. Il traînait l’odeur de
     plusieurs mois de promiscuité, de paille et de sueur, et il lui fallait
     s’épouiller.
    Marguerite s’était empressée de faire bouillir de l’eau et elle avait rempli
     une grande cuve qu’elle avait mise dans la cuisine à l’abri des regards avec un
     rideau improvisé à partir d’une nappe. François-Xavier s’était frotté pendant de
     longues minutes, retardant le moment de retrouver sa femme. Il ne savait comment
     l’aborder. Ces longs mois à être séparé d’elle et la retrouver ainsi avec un
     bébé dans les bras. Il y avait quelque chose d’étrange. Tout lui semblait
     bizarre d’ailleurs. La maison lui semblait encore plus petite qu’avant, habitué
     qu’il était à l’immense dortoir. Son fils, au contraire, lui semblait
     démesurément grand. Celui-ci avait reculé en voyant son père. Il fallait dire
     que François-Xavier n’avait pas fière allure. Ses cheveux étaient longs et son
     visage mangé par une barbe clairsemée. Sa peau pâle de roux avait vite brûlé
     sous le soleil et le froid. Il avait pris l’habitude de plisser les yeux sous
     l’aveuglement de la neige scintillante. Il avait eu un peu le cœur serré car
     Pierre, pour imiter ses grands cousins Elzéar et Jean-Marie, s’était jeté dans
     les bras de Ti-Georges en criant : « Papa ! papa ! » Marguerite avait souri et
     avait expliqué à l’enfant âgé de presque deux ans que son papa à lui, c’était
     l’autre monsieur. François-Xavier s’était penché et avait pris son fils dans ses
     bras.
    Le bambin l’espionnait en ce moment, sa petite main ayant tassé le rideau.
     François-Xavier s’immergea et refit surface en crachant de l’eau.
    Petit Pierre se mit à rire. François-Xavier s’enhardit au jeu et arrosa de quelques gouttes son fils. Celui-ci partit à la course
     se réfugier dans les jupes de sa tante Marguerite. Le jeune homme, fatigué, se
     laissa tremper et essaya de détendre ses muscles endoloris. Certains jours, il
     en aurait pleuré tellement son bras droit lui faisait mal. Il cognait si fort
     quand il prenait sa hache. Car dans le fond, c’est à la compagnie qu’il donnait
     des coups. Il avait pris du coffre. Il avait bien mangé. Le cook de leur
     chantier s’était fait un point d’honneur de bien les nourrir et même s’il n’y
     avait pas une grande diversité dans le menu, les bols remplis de fèves au lard
     ou de soupe aux pois et le pain dans la mélasse se révélaient un vrai délice. Il
     avait entendu parler de moins chanceux que lui qui, dans certains camps de
     bûcherons mal tenus, se faisaient nourrir à l’eau claire avec de vieux morceaux
     de viande pourris. Qui n’avait eu vent de ces histoires d’horreur, de vermine et
     de morts aux chantiers ?
    — Ciboire ! s’exclama tout à coup François-Xavier en faisant le saut lorsqu’un
     drôle d’objet plongea dans son bain.
    Son fils était revenu et riait en répétant :
    — Ci… boire
    « Oh ! j’devrais surveiller mon langage et chasser les mauvaises manies du
     chantier », se dit-il en sortant

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