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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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courant pour Julianna et monsieur Morgan…
    Léonie devint blême et se laissa tomber dans le fauteuil d’en face.
    Monsieur Morin eut un méchant rictus.
    — Bon, nous allons pouvoir convenir d’une date de mariage tout en prenant notre
     thé.

    La voix perçante d’Yvette tira Julianna de ses pensées dépressives. Elle garda
     les yeux fermés et écouta sa fille discuter comme une adulte avec Marie-Ange.
     Celle-ci lui parlait de l’époque où elle-même était petite et vivait sur une
     ferme comme celle qui les attendait à Saint-Framboise.
    — Pis vous aussi matante, vous tiriez la vache par la queue
     quand elle avait un bobo ?
    — Ben non, personne tire les vaches par la queue !
    — Ben oui, vous le dites tout le temps ! tempêta l’enfant.
    — Que c’est que tu m’radotes là encore, toé !
    Yvette prit un air sérieux et, pointant du doigt à tour de rôle sa tante, ses
     frères Pierre et Jean-Baptiste ainsi qu’elle-même, elle récita :
    — Ma petite vache a mal aux pattes, tirons-la par la queue, elle ira bien mieux
     dans un jour ou deux.
    Marie-Ange pouffa de rire.
    — C’est une comptine que ma maman m’avait montrée, expliqua Marie-Ange.
    — Vous avez une maman ? s’étonna Yvette. Est où ?
    Marie-Ange jeta un œil sur Julianna. Les souvenirs affluèrent et elle revit le
     jour maudit de la naissance de sa petite sœur. Elle répondit d’un ton un peu
     triste.
    — Ma maman est morte, ma puce.
    — C’est quoi, une maman morte ? questionna Yvette qui n’avait jamais connu la
     perte d’un être cher.
    — Ben... euh... Une maman morte, c’est une maman qui te donne pus de bisous pis
     qui te coiffe pus les cheveux ou ben... disons que c’est une maman qui fait dodo
     mais pour toujours.
    — A se réveille jamais ?
    — Jamais.
    Yvette sembla réfléchir un moment. Puis, comme un ressort, elle se précipita
     sur Julianna, grimpa sur elle et se mit, avec ses petites mains, à lui frotter
     le visage en criant :
    — Maman, maman, réveillez-vous, vous êtes mourue, j’veux pas que vous soyez une
     maman morte !
    Julianna, surprise par cette crise, essaya de raisonner sa fillette.
    — Ben voyons donc Yvette, arrête, chus pas morte, voyons !
    Yvette se calma et étudia sa mère attentivement, semblant
     vouloir s’assurer que celle-ci était bien réveillée.
    — Vous me donnez pus de bisous pis vous coiffez pus mes cheveux... dit-elle
     avec des pleurs dans la voix.
    Elle mit ses bras autour du cou de sa mère et enfouit son visage dans son
     cou.
    Julianna reçut ces paroles comme une gifle. Elle prit conscience à quel point
     elle avait sombré dans la dépression ces dernières semaines et combien elle
     avait été une piètre mère. Sa pauvre petite fille la croyait morte. Julianna se
     sermonna. Cela ne lui ressemblait pas de se laisser aller autant. Elle devait se
     ressaisir. Elle pouvait encore reconquérir l’amour de son mari. Elle ne voulait
     pas faire pleurer ses enfants. Elle réconforta sa fillette et se mit à jouer
     dans ses boucles tout en lui donnant des tas de baisers. Par-dessus la tête
     d’Yvette, elle échangea un regard avec sa sœur. Marie-Ange ne fit aucun
     commentaire mais son expression en disait long. Julianna la traduisit par :
     « Bienvenue dans le monde des adultes, ma petite sœur ». Pierre, effrayé par
     l’attitude d’Yvette, s’était blotti contre sa tante et la fixait d’un air
     abasourdi. Mathieu s’était collé contre sa mère et Laura s’était réveillée en
     sursaut. Seul Jean-Baptiste ne se rendit compte de rien et continua à dormir.
     Bouleversée, Julianna sentit la main de François-Xavier se refermer sur la
     sienne. Elle se tourna vers son mari et le regarda intensément. Elle lut dans
     ses yeux une muette supplique qu’elle déchiffra aisément. Elle connaissait la
     question. Elle connaissait la réponse. Une douce chaleur l’emplit et un
     sentiment de bien-être l’enveloppa lorsqu’il se pencha vers elle pour lui
     murmurer à l’oreille :
    — Julianna… J’arrêterai jamais de t’aimer... même si je le voulais, j’pourrais
     pas...
    François-Xavier lâcha la main de Julianna et, à la place, étendit son bras
     autour d’elle et cala sa femme contre lui, l’air heureux. Enfin, tout irait
     mieux... Une nouvelle chance s’offrait à eux. Pour la première
     fois depuis l’inondation du lac, il eut l’impression de mieux respirer. Julianna
    

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