La chevauchée vers l'empire
quelle importance maintenant
si les barbares nous voient ? Nous devrions brûler son corps. Si nous
survivons, nous construirons un temple à la mémoire de notre père sur cette île.
— C’est une bonne idée, approuva Djalal al-Din. Lorsque
le feu prendra, nous traverserons pour gagner l’autre rive. Les Mongols ne sont
pas des marins.
Il se rappela les cartes qu’il avait vues dans la
bibliothèque de son père à Boukhara. La Caspienne ne semblait pas très large.
— Qu’ils essaient donc de nous suivre sur une eau
profonde où nous ne laisserons pas de traces !
— Je ne connais pas les terres qui s’étendent de l’autre
côté de la mer, dit Tamar. Où irons-nous ?
— Eh bien, vers le sud, comme notre père nous l’a
recommandé. Nous reviendrons avec une armée de fidèles afghans et indiens pour
anéantir ce Gengis. Sur l’âme de mon père, je le jure.
Djötchi et Djaghataï rattrapèrent l’armée ennemie alors qu’elle
commençait à descendre vers une cuvette entourée de collines à l’est de
Samarkand. Les éclaireurs avaient sous-estimé le nombre des Khwarezmiens :
selon Djötchi, près de quarante mille hommes s’étaient portés au secours de la
ville joyau du shah. Il ne laissa pas cette découverte l’inquiéter. Dans les
terres jin et ailleurs, Gengis avait montré que la qualité des hommes était
plus importante que leur simple nombre. Au cours d’un raid de reconnaissance, Süböteï
avait remporté la victoire sur une garnison de mille deux cents hommes avec
huit cents guerriers seulement et tous les autres généraux avaient fait leurs
preuves contre des ennemis plus nombreux. Les Mongols étaient toujours en
infériorité numérique.
Cette cuvette était un don du ciel et les deux frères ne
mirent pas longtemps à élaborer leur tactique après avoir repéré l’ennemi. Vétérans
des batailles à cheval, ils connaissaient le formidable avantage d’occuper une
position plus élevée. Les arcs portaient plus loin, les chevaux devenaient
impossibles à arrêter dans une charge. Les deux frères oublièrent
provisoirement leur inimitié pour discuter. Djaghataï marqua son accord d’un
grognement quand Djötchi lui proposa de contourner la cuvette, de gravir une
colline et de frapper l’ennemi sur son flanc gauche. Il reviendrait à Djötchi
de l’attaquer de front au pied des collines.
Sur l’ordre de leur chef, les guerriers de Djötchi formèrent
une première ligne aussi large que le terrain le permettait, le reste faisant
bloc derrière les hommes protégés par les meilleures armures. Le fils du khan
était déçu que les Khwarezmiens n’aient pas cette fois amené d’éléphants. Les
généraux du shah semblaient aimer les utiliser dans leurs batailles et les
Mongols, de leur côté, prenaient plaisir à cribler ces bêtes de flèches qui les
rendaient folles de douleur et les renvoyaient écraser leurs propres rangs.
Djötchi baissa les yeux vers la cuvette, estima la raideur
de la pente qu’il descendrait. Elle était quadrillée de sentiers de chèvres
mais couverte d’une herbe sèche et les chevaux ne glisseraient pas en chargeant
sur un tel terrain. Il tourna la tête à droite puis à gauche pour inspecter sa
première ligne, se posta en son centre. Son arc vibrerait avec la première
volée. Il sentit grandir la confiance des guerriers qui l’entouraient et
regardaient les fantassins ennemis marchant vers eux d’un pas ferme. Les
Khwarezmiens faisaient sonner leurs cors et résonner leurs tambours, mais leurs
cavaliers semblaient nerveux sur les flancs. La pente comprimait déjà leurs
rangs et Djötchi pensa qu’ils devaient être conduits par quelque jeune sot qui
devait davantage son poste à sa naissance qu’à ses mérites. Le paradoxe de sa
propre position l’amusa quand il donna l’ordre à ses cavaliers de descendre au
pas. Il devait y avoir très peu de fils de roi ou de khan à être généraux malgré leur père et non grâce à lui.
Tandis que son tuman se mettait au trot, Djötchi continuait
à examiner ses troupes, cherchant un point faible. Comme Süböteï le lui avait
appris, il avait envoyé des éclaireurs à des lieues à la ronde. Il n’y aurait
pas d’embuscade, pas d’arrivée soudaine de renforts. L’homme qui commandait les
forces venues secourir Samarkand avait traité les Mongols à la légère et il le
paierait. Djötchi souffla une seule note dans le cor accroché à son cou, vit
les
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