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La chevauchée vers l'empire

La chevauchée vers l'empire

Titel: La chevauchée vers l'empire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Conn Iggulden
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place près du khan, Djötchi fut content que le feu cache la
rougeur causée par son accès de colère. Djaghataï lança à Djötchi un bref
regard froid, sans se donner la peine de chercher les mots convenant aux
retrouvailles avec son frère aîné après trois ans de séparation. Le visage de Djötchi
resta placide malgré la colère effrayante que ce simple regard avait fait
surgir en lui. Pendant quelques instants, il n’avait eu qu’une envie : passer
entre ces crétins ivres et expédier Djaghataï au sol d’un coup de poing. Il
sentait sa force enfler dans ses épaules tandis qu’il se représentait la scène.
Mais il avait appris la patience avec Süböteï et, pendant que Gengis
remplissait la coupe de Djaghataï, Djötchi sourit avec tous les autres en
rêvant de meurtre.

 
5
    À l’aube, le poète de Süböteï était à la moitié du récit de
la bataille de la Gueule du Blaireau, où Arslan avait affronté la plus grande
armée qu’un Mongol eût jamais vue. En présence de Gengis et de ses généraux, l’homme
s’en tint plus que d’habitude à la vérité en contant les hauts faits d’Arslan. Ils
s’étaient tous vaillamment battus dans cette passe montagneuse qui donnait
accès à Yenking. Tous se rappelaient ces journées sanglantes avec fierté et
admiration. Personne d’autre ne comprendrait jamais ce qu’ils avaient éprouvé
en faisant face ensemble à l’empire Jin… et en l’humiliant. La Gueule du
Blaireau avait été la matrice qui les avait expulsés dans un monde nouveau, plus
forts et plus dangereux. Ils avaient pris la direction de l’est et Yenking
avait brûlé.
    Les premières lueurs du jour révélèrent des milliers de
cavaliers venant du camp des berges de l’Orkhon et dont les chevaux portaient
aussi des femmes et des enfants. Gengis était le khan, il pouvait aller où bon
lui semblait, mais tous voulaient entendre l’histoire d’Arslan. Tandis que le
soleil matinal montait dans le ciel, des centaines de gorges déclamèrent poèmes
et récits et les répétèrent jusqu’à s’érailler.
    Gengis lui-même n’avait pas soupçonné que tant des siens
voudraient entendre l’histoire des premiers temps et pourtant ils écoutaient
poètes et chamanes avec fascination, y compris ceux qui buvaient trop et se
gavaient de mouton gras. Il entendit de nouveau raconter comment Arslan l’avait
tiré de la fosse où il était prisonnier, il cligna des yeux au souvenir de noms
que sa mémoire n’avait pas évoqués depuis des années. Arslan avait été le
premier à lui prêter serment, à lui promettre des chevaux, des yourtes, du sel
et du sang alors qu’il n’avait pour compagnons que sa mère, sa sœur, ses
sauvageons de frères et la faim. C’était une immense preuve de confiance et
Gengis fut ému en se rappelant les changements qu’Arslan avait provoqués et
dont il avait été témoin. C’était à cela que servait le récit de la vie d’un
homme : afin que tous se souviennent de ce qu’il avait signifié pour eux
et de ce qu’il avait accompli.
    Les conteurs s’interrompirent pour reposer leur voix en prévision
du prolongement de la fête dans la soirée. Il était maintenant évident que tout
le peuple mongol se rassemblerait en ce lieu.
    Ce n’était pas là que Gengis avait prévu d’honorer son
premier général. La rivière était trop loin, l’herbe trop rare, le sol sec et
caillouteux. Le caractère provisoire de ce camp le fit cependant grogner de
satisfaction alors qu’il pissait sur la terre.
    Mon peuple ne doit pas prendre l’habitude du confort, songea-t-il
dans son ivresse. Une vie dure l’a gardé plus vigoureux que ceux qui vivent
dans les villes.
    Il fut tiré de ses réflexions par des cris et des
acclamations montant d’un endroit proche où des guerriers s’étaient rassemblés
comme un essaim d’abeilles. Il vit Djaghataï monter sur un chariot pour s’adresser
à eux et plissa le front quand un autre bruit fit taire la foule, une sorte de
miaulement rauque qui lui hérissa les poils de la nuque. La main sur la poignée
de son sabre, il se dirigea vers les guerriers qui s’écartèrent pour le laisser
passer et ne pas risquer de perdre le bras droit ou la tête en touchant malencontreusement
le khan.
    Ses généraux entouraient une cage en fer installée sur le
chariot mais ce ne fut ni eux ni Djaghataï, qui se tenait fièrement près d’elle,
tel un propriétaire, qu’il regarda. L’animal captif était

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