La chute de l'Empire Romain
ruée barbare avait envahi la ville.
Trahison !
Une noble matrone, la chrétienne Proba Faltonia, appartenant à l’une des plus illustres familles de Rome − la gens des Anices −, avait armé ses esclaves et les avait envoyés s’emparer de force de la porte Salaria, et l’ouvrir aux Goths.
Alaric et son peuple n’étaient-ils pas chrétiens ? certes hérétiques, mais qu’ils fussent baptisés, voilà ce qui importait d’abord !
Proba Faltonia avait voulu éviter aux Romains une interminable agonie.
Chrétienne, elle faisait confiance aux Barbares dès lors qu’ils étaient chrétiens.
Galla Placidia les avait vus, ces Goths, auxquels Alaric avait donné l’ordre de respecter les basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul, avec les trésors qu’elles renfermaient et le peuple qui s’y était réfugié !
« Je fais la guerre aux hommes, je ne la fais pas aux apôtres », avait dit Alaric.
Cela, Galla l’avait appris, trente ans plus tard, en cette année 440 durant laquelle elle s’efforçait de reconstituer les événements qu’elle avait vécus alors qu’elle était une jeune fille d’à peine vingt ans.
Dans cette nuit du 24 août 410 et pendant les trois jours qu’avait duré l’occupation de Rome, elle avait entendu les chants des Goths, les sons aigus de leurs trompettes, et surtout les cris de leurs victimes.
Car ce sac de Rome par les Barbares d’Alaric était aussi un massacre.
Les Goths incendiaient les maisons et les palais, pillaient, tuaient, violaient.
Tortures, débauche, avidité, soif d’or et d’argent, cruauté, destructions : tels étaient les actes et les mobiles des Goths.
Ils avançaient, la torche et le glaive à la main.
« Par un seul embrasement, Rome fut ensevelie tout entière dans sa cendre », écrit saint Jérôme.
Les servantes terrorisées racontaient à Galla Placidia comment, couverts de sang, les Barbares dénudaient les femmes et, quel que soit leur âge, les frappaient et les violaient, les étranglaient afin qu’elles se taisent. Et ces Barbares étaient chrétiens !
Galla Placidia se souvenait de ces heures passées à entendre ces récits, à guetter le moment où les Barbares briseraient les portes, et s’empareraient d’elle.
On lui rapportait aussi qu’Alaric avait respecté le trésor de l’apôtre Pierre. Que tel officier avait renoncé à violer une jeune fille qui avait tenté de se défendre puis de se suicider.
Mais Galla Placidia savait que ce n’étaient là qu’exceptions.
L’odeur de la mort stagnait sur la Ville.
Et quand Galla vit les soldats barbares de sa garde personnelle briser les portes et s’avancer, elle se raidit et marcha résolument vers eux, sûre de mourir.
Ils s’écartèrent, et au milieu d’eux elle vit un Barbare de haute taille, portant collier et bracelets d’or. Il se nommait Athaulf, parent et vice-roi d’Alaric.
Galla Placidia sentit le regard du Barbare, son désir, sa tentation, et Galla savait que pas un des Barbares de sa garde personnelle ne la défendrait.
Alors elle dit qu’elle était fille d’empereur et sœur de l’empereur d’Occident, Honorius.
Athaulf s’approcha, posa sa main sur l’épaule de Galla et dit qu’elle était l’otage d’Alaric, que l’empereur romain verserait beaucoup d’or pour elle.
Il allait la conduire au camp des Goths où elle serait sous sa protection et celle d’Alaric.
Le souvenir le plus douloureux de ces trois jours que dura le sac de Rome fut pour Galla Placidia le moment où, encadrée par les Barbares, elle quitta sa demeure.
Elle voyait ses servantes jetées à terre, battues quand elles résistaient, violées, étouffées ou égorgées pour les empêcher de hurler.
Les rues de Rome étaient couvertes de cadavres. Galla Placidia s’efforçait de paraître impassible, comme si elle était devenue la statue de la Virtus.
Et pourtant elle reconnaissait les corps de matrones chrétiennes, de leurs filles, ceux de sénateurs, entassés aux côtés de ceux de leurs épouses et de leurs enfants.
Elle devinait les tortures qu’ils avaient subies aux plaies ouvertes, aux yeux crevés, aux jambes brisées, au pal qui perçait leur dos ou leur poitrine.
Trente ans ont passé, mais chaque souvenir est une atroce souffrance.
Lisant les écrits de saint Augustin et de saint Jérôme, Galla Placidia avait retrouvé ses propres pensées de femme de vingt ans qui craignait qu’on ne la viole, qu’on ne la tue.
Mais
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