La chute de l'Empire Romain
l’armée des Goths − conduite par Alaric et Athaulf avait marché vers le sud, surveillant, battant, égorgeant les captifs, femmes et enfants, sénateurs, prêtres qui formaient à sa suite une cohue misérable. Ils seraient tués ou libérés contre rançon, vendus comme esclaves.
Mais chaque jour leur nombre grossissait parce que la horde saccageait la Campanie, la Lucanie, la Calabre et s’emparait des personnes riches, pillant leurs biens, violant les femmes, brûlant les villes et les récoltes.
Chrétiens, ces Barbares !
De son char, Galla Placidia, écartant la toile, apercevait l’évêque de Nole − une cité de Campanie, proche du Vésuve. Il était chargé de chaînes, battu, torturé, afin qu’il livre la cachette où il entassait ses trésors.
Athaulf avait confié le nom de ce saint homme, Paulin, qu’il donnait l’ordre de libérer, expliquant qu’Alaric avait décidé de conquérir la Sicile, la terre d’abondance, qui n’avait jamais été rançonnée et pillée.
Et Galla avait vu les Goths rassembler dans les ports des navires, de grosses barques aux voiles ocres, chargées de transporter la horde dans la grande île.
Et puis, la tempête s’était levée, devenant un ouragan et, sa flotte brisée, le rêve d’Alaric s’était noyé.
Galla Placidia avait remercié Dieu mais, maintenant, trente ans plus tard, les questions qu’elle s’était posées revenaient, éclairées par ce qu’avaient écrit saint Augustin, saint Jérôme, le chroniqueur Orose.
« Dieu, après s’être servi d’Alaric afin d’humilier et de châtier Rome, le brisait comme le potier un vase de rebut », écrivait-il.
Était-ce bien cela le dessein de Dieu ?
Galla Placidia en doutait.
On lui avait lu La Cité de Dieu , de saint Augustin, et elle avait exigé qu’on recommençât.
Il avait écrit :
« Mais les femmes chrétiennes, les vierges même outragées ! Dieu n’a donc point eu souci des siens ? La chasteté de ces épouses est devenue le jouet des Barbares ! Ces femmes sont restées pures malgré les attentats des hommes et celles qui ont subi la violence, elles n’ont point ajouté, au malheur qui les frappait, le crime du suicide. »
Il avait semblé à Galla Placidia que les arguments du saint homme valaient pour elle, dans le choix qu’elle avait fait de survivre au milieu des Goths, de se servir d’eux pour redonner à l’Empire romain éclat, gloire, puissance.
Elle avait comme les femmes violées refusé le suicide. Elle avait survécu et son fils, Valentinien III, était devenu l’empereur d’Occident.
Dieu avait réalisé les vœux qu’elle avait conservés, vivants, dans les années les plus sombres de sa vie.
Et il avait frappé le roi barbare.
Alaric, comme si la destruction de sa flotte, avec laquelle il espérait joindre la Sicile, l’avait terrassé, était mort de désespoir.
Athaulf lui avait succédé à la tête de la horde des Goths et Galla Placidia avait accepté d’un simple battement de paupières d’assister aux funérailles d’Alaric.
Les Goths, par leurs murmures, avaient montré qu’ils étaient hostiles à la présence de Galla Placidia mais Athaulf, en la conviant à cette cérémonie barbare, lui avait manifesté sa confiance.
La horde s’était rassemblée sur les bords d’un torrent venu des Apennins, dans le lit duquel des captifs, après avoir détourné le cours des eaux, avaient creusé une fosse profonde.
On y avait déposé le corps d’Alaric, puis on avait tranché la gorge de son cheval, qu’on avait déposé près du roi défunt. La cuirasse et les harnais étaient disposés de part et d’autre du corps du roi. Puis les trésors, fruits des pillages, et représentant la part du roi, avaient recouvert les cadavres d’Alaric et de son cheval. Et le torrent avait repris son cours.
Galla Placidia n’avait pu détacher ses yeux des eaux bouillonnantes.
Ainsi celui qui avait souillé, incendié, martyrisé Rome était-il effacé du monde par la volonté de Dieu.
Tout à coup, elle avait vu les Barbares se précipiter sur les captifs qui avaient creusé la fosse. Ils tombaient à genoux, comprenant qu’on allait les égorger afin de s’assurer que la sépulture d’Alaric demeurerait en un lieu secret.
Alors, les témoins baignant dans leur sang, la horde s’était remise en chemin, se dirigeant vers Ravenne.
Athaulf chevauchait en tête de son armée et venait souvent caracoler autour du char où
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