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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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l’ancienne chambre de Mrs Jevons, c’est-à-dire depuis
dix semaines.
    — Deux cycles. Cela ne fait
donc aucun doute. C’est ce qu’a dit Bea. Damnation ! » Il porta le
cigare à ses lèvres, s’aperçut qu’il était éteint et le jeta par terre en
maugréant.
    Une drôle idée traversa l’esprit d’Ethel.
« Tu auras peut-être deux héritiers.
    — Ne sois pas ridicule,
rétorqua-t-il sèchement. Un bâtard n’hérite de rien.
    — Oh ! » fit-elle.
Elle n’avait pas sérieusement envisagé de lui demander de reconnaître l’enfant.
D’un autre côté, pas une fois elle n’avait pensé à lui comme à un bâtard. « Pauvre
petit, dit- elle. Mon bébé, un bâtard. »
    Il prit l’air honteux. « Je
suis navré. Je n’ai pas voulu dire cela. Pardonne-moi. »
    Elle vit que sa bonté foncière
était en conflit avec ses instincts égoïstes. Elle lui effleura le bras. « Pauvre
Fitz.
    — Pourvu que Bea n’en sache
rien », soupira-t-il.
    Elle en fut mortellement blessée.
Pourquoi se souciait-il de l’autre avant tout ? Bea n’était pas à plaindre :
elle était riche et mariée, elle serait la mère de l’enfant aimé et honoré du
clan Fitzherbert.
    « Elle risquerait de ne pas
supporter le choc », reprit Fitz.
    Ethel se rappela une rumeur selon
laquelle Bea avait fait une fausse couche l’année précédente. Toutes les
domestiques n’avaient parlé que de cela. À en croire Nina, sa femme de chambre
russe, la princesse en rejetait la responsabilité sur Fitz, qui l’avait
contrariée en annulant un voyage en Russie.
    Ethel se sentit affreusement
rejetée. « Si je comprends bien, ce qui t’inquiète le plus, c’est le
chagrin que ta femme pourrait éprouver en apprenant l’existence de notre bébé. »
    Il la fixa du regard. « Je ne
veux pas qu’elle fasse une fausse couche – c’est important ! »
    Il n’avait aucune conscience de sa
muflerie. « Va au diable ! lança Ethel.
    — Que veux-tu que je fasse ?
Cela fait des années que j’attends, que j’espère un enfant de Bea. Le tien,
personne n’en veut, ni toi ni moi.
    — Je ne vois pas les choses
comme ça, dit-elle d’une petite voix, et elle se remit à pleurer.
    — Il faut que je réfléchisse à
tout cela. J’ai besoin d’être seul. » Il la prit par les épaules. « Nous
en reparlerons demain. En attendant, ne dis rien à personne. C’est compris ? »
    Elle hocha la tête.
    « Promets-le-moi.
    — Je te le promets.
    — C’est bien », dit-il,
et il sortit.
    Ethel se pencha pour ramasser le
cigare éteint.
    2.
    Elle n’en parla à personne mais,
incapable de faire comme si de rien n’était, elle alla se coucher en prétextant
une légère indisposition. Au fil des heures, tandis qu’elle était allongée, seule
sur son lit, le chagrin fit place à l’angoisse. Comment allaient-ils vivre, son
bébé et elle ?
    Elle perdrait son emploi à Ty
Gwyn – c’était inévitable, même si le père de son enfant n’avait pas été
le comte. Elle aurait du mal à s’y faire. Elle avait été tellement fière le
jour où on l’avait nommée intendante. « Avant la ruine, il y a l’orgueil »,
disait souvent Gramper. Dans son cas, il ne s’était pas trompé.
    Elle n’était pas sûre de pouvoir
retourner chez ses parents : son père ne supporterait pas une telle
disgrâce. Cela la préoccupait presque plus que sa propre honte. D’une certaine
façon, il en serait encore plus affecté qu’elle ; il était d’une telle
rigidité dans ce domaine.
    De toute manière, elle ne voulait
pas vivre à Aberowen en fille mère. Il y en avait déjà deux : Maisie Owen
et Gladys Pritchard. Deux malheureuses, exclues de la communauté. Elles étaient
célibataires, mais pas un homme ne s’intéressait à elles ; elles étaient
mères, mais elles vivaient chez leurs parents comme des enfants ; elles
étaient exclues des églises, des pubs, des magasins et des clubs. Comment Ethel
Williams, qui s’était toujours considérée comme supérieure aux autres,
pourrait-elle tomber aussi bas ?
    Elle devait donc quitter
Aberowen. Cela ne l’attristait guère. Elle serait ravie de dire adieu aux
rangées de maisons lugubres, aux petits temples rigoristes et aux interminables
conflits entre les mineurs et la direction. Mais où irait-elle ?
Pourrait-elle continuer à voir Fitz ?
    Le soir tomba. Toujours allongée,
à contempler les étoiles par la fenêtre, elle finit par

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