La Chute Des Géants: Le Siècle

maintenant.
    Qu’allait-il lui arriver ?
Ethel ne pouvait pas épouser le père de son enfant. Ne serait-ce que parce qu’il
était déjà marié.
    Il était temps d’aller le
retrouver. Pas question d’ébats aujourd’hui. Ils devaient parler de l’avenir.
Elle enfila sa robe d’intendante en soie noire.
    Qu’allait-il dire ? Il n’avait
pas d’enfant : serait-il ravi ou horrifié ? Chérirait-il cet enfant
de l’amour ou n’y verrait-il qu’une source d’embarras ? Et elle, l’aimerait-il
davantage ou la détesterait-il ?
    Elle sortit de sa chambre et
emprunta l’étroit couloir puis l’escalier de service conduisant à l’aile ouest.
La vision de la tapisserie aux motifs de gardénias éveilla son désir, tout
comme celle de son corps éveillait celui de Fitz.
    Il était déjà là, debout devant la
fenêtre, et contemplait le jardin ensoleillé en fumant un cigare ; en le
voyant, elle fut à nouveau frappée par sa beauté. Elle lui passa les bras
autour du cou. Si son costume de tweed brun était aussi doux au toucher, c’était
parce qu’il était en cachemire, ainsi qu’elle l’avait appris. « Oh !
Teddy, mon amour, comme je suis heureuse de te voir », lui dit-elle. Elle
était la seule à l’appeler Teddy et cela la ravissait.
    « Et moi de te voir »,
répondit-il mais, contrairement à son habitude, il ne s’empressa pas de lui
caresser les seins.
    Elle l’embrassa sur l’oreille. « J’ai
quelque chose à te dire, annonça-t-elle d’une voix solennelle.
    — Moi aussi ! Puis-je
parler le premier ? »
    Elle allait protester quand il se
dégagea de son étreinte pour reculer d’un pas. Soudain, un sinistre
pressentiment lui serra le cœur. « Quoi ? fit-elle. Qu’y a-t-il ?
    — Bea attend un enfant. »
Il tira sur son cigare et exhala la fumée dans un soupir.
    Elle ne comprit pas tout de suite. « Comment ?
reprit-elle d’une voix déconcertée.
    — La Princesse Bea, mon
épouse, est enceinte. Elle va avoir un enfant.
    — Tu veux dire que tu as
continué à coucher avec elle en même temps qu’avec moi ?» demanda Ethel,
furieuse.
    Il parut surpris. Apparemment, il n’avait
pas pensé qu’elle s’en offusquerait. « C’est mon devoir !
protesta-t-il. Il me faut un héritier.
    — Mais tu m’as dit que tu m’aimais !
    — Je t’aime et, en un sens, je
t’aimerai toujours.
    — Non, Teddy ! s’écria-t-elle.
Ne dis pas cela, je t’en supplie !
    — Parle moins haut !
    — Parler moins haut ? Tu
es en train de rompre ! Les gens peuvent bien le savoir, maintenant, ça m’est
égal !
    — Ce serait une catastrophe
pour moi. »
    Ethel céda à la détresse. « Teddy,
je t’en prie, je t’aime.
    — Tout est fini entre nous. Je
dois être un bon époux et un bon père. Comprends-moi.
    — Te comprendre, bon sang !
ragea-t-elle. Comment peux-tu dire cela sans broncher ? Je t’ai vu plus
ému le jour où il a fallu abattre un de tes chiens !
    — Ce n’est pas vrai, dit-il,
mais sa voix menaçait de se briser.
    — Je me suis donnée à toi,
ici, dans cette chambre, sur ce lit.
    — Et je ne… » Il se tut.
Son visage, jusque-là figé dans un masque rigide, se crispa d’angoisse. Il se
détourna, évitant son regard. « Je ne l’oublierai jamais »,
murmura-t-il.
    S’approchant de lui, elle vit des
larmes couler sur ses joues. Sa colère s’évanouit. « Oh ! Teddy,
pardon, pardon ! »
    Il s’efforça de se ressaisir. « Tu
es très chère à mon cœur, mais je dois faire mon devoir. » Si ses paroles
étaient froides, sa voix n’en était pas moins tourmentée.
    « Oh, mon Dieu ! »
Elle tenta de refouler ses larmes. Elle ne lui avait pas encore annoncé la
nouvelle. D’un revers de manche, elle s’essuya les yeux, puis renifla et
déglutit. « Ton devoir ? Si tu savais !
    — Qu’est-ce que tu veux dire ?
    — Je suis enceinte, moi aussi.
    — Oh, nom de Dieu ! »
D’un geste machinal, il porta son cigare à ses lèvres, le reprit sans avoir
inhalé. « Mais je me suis toujours retiré à temps !
    — Pas tout à fait,
semble-t-il.
    — Depuis quand le sais-tu ?
    — Je viens tout juste de m’en
rendre compte. J’ai ouvert mon tiroir et aperçu toutes mes serviettes propres. »
Il grimaça. De toute évidence, il n’aimait pas évoquer ce genre de sujet. Eh
bien, tant pis pour lui. « D’après mes calculs, je n’ai pas eu mes règles
depuis que j’occupe