La Chute Des Géants: Le Siècle
refoula ses larmes. Elle
avait espéré de la compassion et non une condamnation. « Oui, je suis une
fille indigne. » Elle ôta son chapeau et s’efforça de garder contenance.
« Ça t’est monté à la tête
évidemment – travailler au château, rencontrer le roi et la reine. Tu en
as oublié comment nous t’avions élevée.
— Tu dois avoir raison.
— Ton père… ça va le tuer.
— Ce n’est pas lui qui
accouchera, répliqua Ethel d’un ton dur. Il devrait survivre.
— Ne fais pas l’impertinente.
Ça va lui briser le cœur.
— Où est-il ?
— Encore à un meeting à
cause de la grève. Pense à sa position en ville : aîné du temple,
représentant des mineurs, secrétaire du parti travailliste indépendant… comment
pourra-t-il regarder les gens en face quand tout le monde saura que sa fille
est une traînée ? »
Ethel ne put contenir son
émotion. « Je suis désolée de lui faire honte », et elle se mit à
pleurer.
Mam changea d’expression. « Enfin,
que veux-tu ! murmura-t-elle. C’est la plus vieille histoire du monde. »
Elle fit le tour de la table et prit la tête d’Ethel contre son sein. « Ce
n’est pas grave, ce n’est pas grave », chantonna-t-elle, comme elle le
faisait lorsque Ethel était petite et s’était écorché les genoux.
Au bout d’un moment, Ethel se
calma.
Mam desserra son étreinte : « Que
dirais-tu d’une tasse de thé ? » Il y avait toujours une bouilloire
au chaud sur la plaque du foyer. Elle jeta quelques feuilles dans la théière, y
versa de l’eau chaude puis mélangea le tout avec une cuiller en bois. « C’est
pour quand ?
— Février.
— Bonté divine ! »
Mam s’écarta du feu pour se tourner vers Ethel. « Je vais être grand-mère ! »
Elles éclatèrent de rire. Mam
prit des tasses et servit le thé. Ethel en but une gorgée et se sentit mieux. « Est-ce
que tu as eu des accouchements difficiles ? demanda-t-elle.
— Il n’y en a pas de
faciles, mais je m’en suis bien sortie, à en croire ma mère. Cela dit, j’ai mal
au dos depuis la naissance de Billy. »
L’intéressé les rejoignit : « On
parle de moi ?» Il pouvait se permettre de se lever tard à cause de la
grève, se rappela Ethel. Chaque fois qu’elle le voyait, elle le trouvait plus
grand et plus costaud. « Salut, Eth », dit-il, et il l’embrassa. Sa
moustache piquait. « Pourquoi as-tu une valise ? » Il s’assit et
Mam lui servit du thé.
« J’ai fait une bêtise,
Billy, répondit Ethel. Je vais avoir un bébé. »
Il la regarda fixement, muet de
stupeur. Puis il rougit, pensant sans doute à ce qu’elle avait fait pour tomber
enceinte. Il baissa les yeux, gêné. Puis il but une gorgée de thé avant de
demander : « Qui est le père ?
— Tu ne le connais pas. »
Après mûre réflexion, elle avait échafaudé l’explication suivante : « C’était
le valet d’un des invités de Ty Gwyn, mais il s’est engagé dans l’armée.
— Il ne va pas te laisser
tomber, tout de même.
— Je ne sais pas où il est.
— Je le retrouverai. »
Ethel posa la main sur le bras de
son frère. « Ne te fâche pas, Billy. Si j’ai besoin de ton aide, je te le
ferai savoir. »
De toute évidence, Billy était à
court de mots. Il ne servait à rien de crier vengeance, mais il n’avait pas d’autre
solution à proposer. Il était complètement désemparé. Après tout, il n’avait
que seize ans.
Ethel se souvint du temps où il
était bébé. Elle n’avait que cinq ans lorsqu’il était né et avait été fascinée
par sa perfection, sa vulnérabilité. Bientôt, j’aurai moi aussi un beau bébé,
si fragile, pensa-t-elle, partagée entre la joie et l’angoisse.
« Da ne va pas laisser
passer ça comme ça, reprit Billy.
— C’est bien ce qui m’inquiète,
répliqua Ethel. Si seulement je savais quoi faire pour le lui faire avaler. »
Gramper descendit à son tour. « Tu
t’es fait virer, hein ? dit-il en apercevant la valise. Trop impertinente,
je parie.
— Ne sois pas méchant, papa,
dit Mam. Elle attend un bébé.
— Oh, fichtre ! s’exclama-t-il.
Un de ces messieurs du château, c’est ça ? Le Comte en personne, je
parie.
— Ne dis pas de bêtises,
Gramper, répondit Ethel, atterrée qu’il ait deviné tout de suite.
— C’est le valet d’un
invité, expliqua Billy. Il s’est engagé dans l’armée. Elle refuse qu’on essaie
de le
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