Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
Vom Netzwerk:
avec moi alors que tu en avais l’occasion. »
    La tentation était grande. Elle
avait beau être à moitié ivre, son corps était chaud et accueillant. N’avait-il
pas droit à une nuit de bonheur ?
    Elle laissa courir une main le
long de sa jambe et s’empara de son sexe raide. « Allez, tu m’as épousée,
autant prendre ton dû. »
    C’était bien là le problème, se
dit-il. Elle ne l’aimait pas. Elle s’offrait à lui pour le payer de ce qu’il
avait fait. C’était de la prostitution. Cette idée l’indigna d’autant plus qu’il
brûlait du déSir de lui céder.
    Elle se mit à le caresser.
Furieux, excédé, il la repoussa violemment. Plus violemment qu’il ne l’aurait
voulu, car elle tomba du lit.
    Elle poussa un cri de surprise et
de douleur.
    Il n’avait pas voulu être aussi
brutal, mais il était trop fâché pour s’excuser.
    Elle resta un long moment
allongée par terre, pleurant et pestant. Il résista à la tentation de l’aider.
Elle se releva tant bien que mal, vacillant sous l’effet de la vodka. « Salaud !
cria-t-elle. Comment peux-tu être aussi cruel ?» Elle baissa sa jupe,
recouvrant ses jambes splendides. « Tu parles d’une nuit de noces :
mon mari me chasse de son lit ! »
    Blessé par ses paroles, Grigori
ne bougea pas et ne dit rien.
    « Jamais je n’aurais cru que
tu avais le cœur aussi dur ! s’emporta-t-elle. Va au diable ! Au
diable ! » Elle ramassa ses chaussures, ouvrit la porte bruyamment et
s’éloigna d’un pas décidé.
    Grigori était complètement
abattu. C’était son dernier jour de vie civile et il s’était querellé avec la
femme qu’il adorait. S’il mourait au combat, il mourrait malheureux. Quel monde
pourri, se dit-il, quelle vie dégueulasse !
    En se levant pour refermer la
porte, il entendit Katerina dans la chambre voisine parler avec une gaieté
forcée. « Grigori n’arrive pas à bander : il a trop bu !
Ressers-moi de la vodka et dansons encore ! »
    Il claqua la porte et se jeta sur
le lit.
    3.
    Il finit par sombrer dans un
sommeil agité. Le lendemain, il se leva très tôt. Après avoir fait sa toilette
et enfilé son uniforme, il mangea du pain.
    Passant la tête dans la chambre
des filles, il vit qu’elles dormaient toutes profondément ; le sol était
jonché de bouteilles vides, l’air empestait la bière et le tabac froid. Une
longue minute, il garda les yeux rivés sur Katerina qui dormait la bouche
ouverte. Puis il partit, ne sachant pas s’il la reverrait un jour, tentant de
se convaincre que cela lui était bien égal.
    L’excitation et la confusion qui
régnaient à la gare lui changèrent les idées. Il dut se présenter à son
régiment, se faire remettre une arme et des munitions, trouver le bon train et
rencontrer ses nouveaux camarades. Il cessa de penser à Katerina pour songer à
l’avenir.
    Il monta dans le train avec Isaak
et plusieurs centaines d’autres réservistes, tous en uniforme flambant neuf,
pantalon et vareuse gris-vert. Comme tous ses compagnons, Grigori était armé d’un
fusil Mosin-Nagant fabriqué en Russie, aussi grand que lui avec sa longue
baïonnette. En voyant l’hématome que lui avait laissé le coup de masse et qui
lui recouvrait la moitié du visage, les autres soldats le prirent pour un voyou
et le traitèrent avec un respect teinté de méfiance. Le train quitta Saint-Pétersbourg
dans un nuage de fumée pour traverser champs et forêts à une allure régulière.
    Remarquant que le soleil couchant
se trouvait le plus souvent devant eux et sur leur droite, Grigori en déduisit
qu’ils se dirigeaient vers le sud-ouest, c’est-à-dire vers l’Allemagne. Cela
lui paraissait évident, mais ses camarades furent aussi surpris qu’impressionnés
quand il leur fit part de cette observation : la plupart d’entre eux
ignoraient où était l’Allemagne.
    Ce n’était que la deuxième fois
de sa vie qu’il prenait le train, et il conservait un vif souvenir de son
premier voyage. Il avait onze ans quand sa mère les avait emmenés à
Saint-Pétersbourg, Lev et lui. Leur père avait été pendu quelques jours plus
tôt et le jeune Grigori vivait encore dans la peur et le chagrin mais, comme n’importe
quel garçon de son âge, il avait adoré cette expédition : l’odeur de
graisse de la puissante locomotive, les gigantesques roues, la camaraderie des
paysans de leur compartiment de troisième classe, le paysage qui défilait à une
vitesse grisante.

Weitere Kostenlose Bücher