La Chute Des Géants: Le Siècle
britanniques.
Nous avons fait ce que nous voulions faire. Nous avons protégé l’Allemagne.
— Un triomphe.
— Que voulons-nous de
plus ?
— La victoire
totale ! »
Walter se pencha en avant,
scrutant le visage de son père. « Pourquoi ?
— L’ennemi doit payer cette
agression ! Il doit y avoir des réparations. Peut-être des rectifications
de frontières, des concessions coloniales.
— Cela ne faisait pas partie
de nos objectifs initiaux… je me trompe ? »
Otto était bien décidé à ne rien
lâcher. « Sans doute, mais maintenant que nous avons engagé tant d’argent
et d’efforts dans cette guerre, sans parler de la vie de tant de jeunes
Allemands, il faut bien que nous obtenions quelque chose en retour. »
L’argument d’Otto était faible,
mais Walter était trop avisé pour essayer de le faire changer d’avis. De toute
façon, il l’avait déjà obligé à admettre que, sur le plan militaire,
l’Allemagne avait atteint ses objectifs. Il changea donc de tactique
« Êtes-vous certain que la victoire totale soit possible ?
— Oui !
— En février dernier, nous
avons lancé une attaque de grande envergure contre la place forte de Verdun,
sans réusSir à la prendre. Les Russes nous ont attaqués à l’est, et les
Anglais ont jeté toutes leurs divisions dans l’offensive de la Somme. Des
efforts gigantesques ont été mis en œuvre par les deux camps et nous sommes
toujours dans l’impasse. » Il se tut et attendit.
« Pour le moment, oui, admit
Otto à contrecœur.
— Le haut commandement l’a
reconnu, c’est un fait. Depuis le mois d’août, c’est-à-dire depuis que
Ludendorff a remplacé von Falkenhayn à la tête de l’état-major, notre tactique
a changé : nous sommes passés de l’attaque à la défense en profondeur.
Comment, selon vous, une défense en profondeur peut-elle conduire à la victoire
totale ?
— Par une guerre sous-marine
à outrance ! déclara Otto. L’Amérique continue d’approvisionner les
Alliés, tandis que la marine britannique soumet tous nos ports à un blocus. Nous
devons couper leur voie de ravitaillement. Ils seront bien obligés de
céder. »
Walter ne souhaitait pas
s’engager sur ce terrain, mais maintenant qu’il avait commencé, il devait aller
jusqu’au bout. Serrant les dents, il dit le plus calmement possible : « Si
nous faisons cela, nous pouvons être sûrs que l’Amérique entrera en guerre.
— Tu connais les effectifs
de l’armée américaine ?
— À peine une centaine de
milliers d’hommes, mais…
— C’est exact. Elle n’est
même pas capable de pacifier le Mexique ! De là à nous menacer… »
Comme la grande majorité des
hommes de sa génération, Otto n’avait jamais mis les pieds aux États-Unis. Il
ne savait pas de quoi il parlait. « Les États-Unis sont un grand pays,
immensément riche », observa Walter. Il bouillait intérieurement mais
veillait à ne pas se départir d’un ton courtois et à conserver toutes les
apparences d’un entretien amical. « Ils peuvent renforcer leur armée.
— Ça leur prendra du temps.
Au moins un an. À cette date, les Anglais et les Français auront capitulé. »
Walter hocha la tête. « Nous
avons déjà discuté de tout cela, père, répondit-il d’une voix conciliante.
Comme tous ceux qui s’intéressent à la stratégie militaire. Il y a du pour et
du contre de chaque côté. »
Ne pouvant le nier, Otto se
contenta de grommeler.
Walter reprit : « Quoi
qu’il en soit, ce n’est évidemment pas à moi de décider de la réponse que
l’Allemagne doit donner à cette démarche officieuse de Washington. »
Otto comprit le sous-entendu.
« Ni à moi, naturellement.
— Wilson affirme que si nous
adressons une note officielle aux Alliés pour suggérer l’organisation de
pourparlers de paix, il appuiera publiquement cette proposition. Je suppose
qu’il est de notre devoir de transmettre ce message à notre souverain.
— En effet, dit Otto. C’est au
kaiser d’en décider. »
4.
Walter écrivit à Maud sur une
feuille de papier blanc sans entête.
Ma chérie adorée,
C’est l’hiver en Allemagne et
dans mon cœur.
Il écrivait en anglais. Il
n’avait pas indiqué son adresse en haut de la page, et prit grand soin de ne
pas désigner Maud par son nom.
Comment te dire à quel point
je t’aime et combien tu me manques ?
Il était difficile de choiSir ses
mots. La lettre pouvait
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