La Chute Des Géants: Le Siècle
« Tant qu’aucun des
deux camps n’aura remporté la victoire, il n’y aura pas de paix. »
Les yeux de Maud brillèrent de
colère, pourtant elle se contint, elle aussi. « Le mieux serait sans doute
de jouer sur les deux tableaux : laisser Lloyd George conduire la
guerre avec l’énergie nécessaire en lui confiant la présidence du conseil de
guerre et nommer au poste de Premier ministre un homme d’État de l’envergure d’Arthur Balfour – quelqu’un
qui soit capable de négocier la paix si nous nous y décidons.
— Hmm. » Cette idée
déplaisait souverainement à Fitz, mais sa sœur avait une façon de présenter les
choses qui rendait la contradiction difficile. Il préféra changer de sujet. « Vous
avez des projets pour cet après-midi ?
— Tante Herm
m’accompagne dans l’East End. Il y a une réunion de l’Association des femmes de
soldats. Nous leur offrirons du thé et des gâteaux – payés de tes deniers,
mon cher Fitz, ce dont nous te remercions –, et nous essaierons de les
aider à résoudre leurs problèmes.
— De quel genre ? »
Ce fut tante Herm qui
répondit. « Le plus souvent, il s’agit de trouver un logement décent et
quelqu’un de sérieux pour garder leurs enfants. »
Fitz reprit, amusé. « Vous
m’étonnez, ma tante. Vous n’approuviez pas beaucoup autrefois les expéditions
de Maud dans l’East End.
— C’est la guerre, répliqua
Lady Hermia d’un petit air de défi, nous devons tous faire de notre mieux.
— Si je me joignais à
vous ? déclara Fitz sur un coup de tête. Il n’est pas inutile de montrer
que les comtes se font canarder tout autant que les dockers. »
Prise de court, Maud
balbutia : « Oui, bien sûr, si tu y tiens. »
Fitz devina sans peine que cette
perspective ne l’enchantait pas. À coup sûr, les membres de cette association
devaient discuter d’un certain nombre de ces ridicules questions chères à la
gauche, telles que le droit de vote pour les femmes et autres fariboles. Mais
comme c’était lui qui payait tout, elle ne pouvait s’opposer à sa présence.
Le déjeuner achevé, ils montèrent
se préparer. Fitz se rendit dans le boudoir de Bea, qui était en train de
retirer la robe qu’elle avait portée au déjeuner, aidée par Nina, sa femme de
chambre grisonnante. Bea lui chuchota une phrase en russe, et Nina lui répondit
dans la même langue. Fitz en fut irrité et eut l’impression que les deux femmes
cherchaient à l’exclure de leur conversation. S’adressant à la domestique en
russe pour leur faire croire qu’il comprenait tout ce qu’elles disaient, il lui
ordonna : « Laissez-nous seuls, voulez-vous. » Nina fit une
révérence et sortit.
« Je n’ai pas encore vu Boy
aujourd’hui, dit Fitz, qui avait quitté la maison de bonne heure. Je vais faire
un saut à la nursery avant sa promenade.
— Je ne le laisse pas sortir
en ce moment, expliqua Bea d’une voix inquiète. Il tousse un peu. »
Fitz fronça les sourcils. « Il
faut tout de même qu’il prenne l’air. »
Il remarqua, étonné, que Bea
avait les larmes aux yeux. « J’ai peur pour lui, murmura-t-elle. Vous
risquez votre vie à la guerre, Andreï et vous, et mon frère n’a pas d’enfant.
Peut-être n’aurai-je plus que Boy bientôt ? »
Andreï était marié mais n’avait
effectivement pas d’enfants. Si Bea perdait son frère et son mari, Boy serait
sa seule famille.
Cela expliquait qu’elle le couve
autant. « Ce n’est pas une raison pour l’élever dans du coton.
— Je ne connais pas cette
expression, fit-elle d’un ton boudeur.
— Vous comprenez très bien
ce que je veux dire. »
Bea laissa tomber ses jupons. Sa
silhouette était plus voluptueuse que par le passé. Fitz la regarda dénouer les
rubans de ses jarretières. Il eut envie de mordre la chair tendre de
l’intérieur de la cuisse.
Elle surprit son regard. « Je
suis lasse, dit-elle. Je voudrais dormir une heure.
— Je peux vous tenir
compagnie.
— Je croyais que vous
vouliez aller visiter les taudis avec votre sœur.
— Rien ne m’y oblige.
— J’ai vraiment besoin de me
reposer. »
Il se leva, puis se ravisa. Il se
sentait rejeté et cela l’irritait. « Cela fait bien longtemps que vous ne
m’avez pas accueilli dans votre lit.
— Je n’ai pas compté les
jours.
— Moi si, et cela fait des semaines.
— Je suis désolée. Je me
fais tant de souci pour tout, ces derniers
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