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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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tout petit peu trop près d’elle, lui tapotait
l’épaule en lui parlant ou lui soutenait le coude quand elle descendait une
marche. Se sentant subitement menacé, Bernie faisait instinctivement comprendre
que cette femme lui appartenait. » Malheureusement, Ethel avait du mal à
ne pas se dérober. Revoir Fitz lui avait cruellement rappelé ce qu’elle
n’éprouvait pas pour Bernie.
    Ce mardi-là, Maud arriva au
bureau à dix heures et demie. Elles travaillèrent côte à côte pendant toute la
matinée. Maud devait attendre que Lloyd George ait prononcé son discours
pour rédiger l’éditorial du prochain numéro, mais le journal comportait bien
d’autres rubriques : offres d’emplois, annonces pour des gardes d’enfant,
conseils de santé destinés aux femmes et aux enfants écrits par le docteur
Greenward, recettes de cuisine et courrier des lectrices.
    « Fitz ne décolère pas
depuis la réunion, dit Maud.
    — Je vous avais bien dit
qu’il allait passer un sale quart d’heure.
    — Ce n’est pas ça qui le
dérange. C’est que Billy l’ait traité de menteur.
    — Vous êtes sûre que ce
n’est pas plutôt parce que Billy a eu le dessus ? »
    Maud sourit d’un air contrit.
« Peut-être.
    — J’espère simplement qu’il
ne le lui fera pas payer.
    — Il ne ferait jamais
cela ! répondit Maud fermement. Ce serait manquer à sa parole.
    — Tant mieux. »
    Elles déjeunèrent dans un café de
Mile End Road. «Une bonne étape pour les routiers », disait l’enseigne, et
l’endroit était en effet apprécié des chauffeurs de camion. Maud fut accueillie
chaleureusement par le personnel. Elles prirent une tourte au bœuf et aux
huîtres. L’abondance d’huîtres, produit bon marché, compensait la quasi-absence
de viande.
    Elles montèrent ensuite dans un
autobus pour rejoindre le West End, à l’autre bout de Londres. En passant
devant Big Ben, Ethel leva les yeux vers l’immense cadran et vit qu’il était déjà
trois heures et demie. Lloyd George devait prendre la parole à quatre
heures. Cet homme avait le pouvoir de mettre un terme à la guerre et de sauver
des millions de vies humaines. Le ferait-il ?
    Lloyd George s’était
toujours battu pour les ouvriers. Avant la guerre, il avait mené une âpre lutte
contre la Chambre des lords et contre le roi pour que soient créées des
pensions de retraite. Ethel savait ce que cela représentait pour les personnes
âgées sans ressources. Le jour où cette pension avait été versée pour la
première fois, elle avait vu des mineurs à la retraite, des hommes autrefois
pleins de force et maintenant courbés en deux, tremblants, sortir de la poste d’Aberowen
en pleurant de bonheur à l’idée de ne plus être des indigents. C’était à cette
époque que Lloyd George était devenu le héros de la classe ouvrière. La
Chambre des lords aurait préféré affecter ces sommes à la marine.
    Je pourrais écrire son discours
aujourd’hui, pensa-t-elle. Je déclarerais : « Il y a des moments dans
la vie d’un homme et d’une nation où il est juste de dire : “ J’ai fait l’impossible, je ne peux pas faire plus. J’abandonne donc
la lutte pour chercher une autre voie. Il y a une heure, j’ai ordonné le
cessez-le-feu en France sur toute la ligne de front britannique. Messieurs, les
canons se sont tus. ”°»
    Ce n’était pas complètement
irréalisable. Les Français seraient furieux, mais ils seraient bien obligés de
suivre au risque de voir la Grande-Bretagne signer un accord de paix séparé qui
les condamnerait à une défaite certaine. Oui, cet accord de paix serait cruel
pour la France et pour la Belgique, mais moins cruel que la perte de plusieurs
millions de vies encore.
    Ce serait agir en homme d’État.
Mais ce serait aussi la fin de la carrière politique de Lloyd George :
les électeurs ne donneraient pas leur voix à celui qui avait perdu la guerre.
Pourtant, quelle fin grandiose !
    Fitz attendait Ethel et Maud dans
le hall central, accompagné de Gus Dewar. De toute évidence, l’Américain était
tout aussi impatient de connaître la réaction de Lloyd George à
l’initiative de paix.
    Ils gravirent le long escalier
conduisant à la galerie qui surplombait la Chambre des débats et prirent place.
Ethel avait Fitz à sa droite et Gus à sa gauche. Au parterre, les députés
occupaient déjà les bancs recouverts de cuir vert des deux côtés de la salle.
Seules restaient vacantes les

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