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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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places du premier rang réservées aux membres du
cabinet.
    «Tous les députés sont des
hommes, fit remarquer Maud d’une voix sonore.
    — Silence, je vous
prie ! » souffla avec zèle un huissier en habit de cour, culotte de
velours et bas blancs.
    Un député prononçait un discours,
mais presque personne ne lui prêtait attention. Tout le monde attendait le
nouveau Premier ministre. Fitz s’adressa tout bas à Ethel : «Ton frère m’a
insulté.
    — Pauvre petit ! Tu es
vexé ? ironisa-t-elle.
    — Jadis on se battait en
duel pour moins que ça.
    — Eh bien, le XX e siècle aura au moins fait un pas sur le chemin du bon sens. »
    Son mépris le laissa impassible. « Sait-il
qui est le père de Lloyd ? »
    Elle hésita, partagée entre le
refus de lui mentir et celui de lui dire la vérité.
    Son embarras confirma ses
soupçons. « Je vois, murmura-t-il. Cela explique sans doute sa virulence.
    — Je ne crois pas qu’il ait
eu la moindre arrière-pensée, répliqua-t-elle. Ce qui s’est passé sur la Somme
suffit à expliquer la colère des soldats, tu ne crois pas ?
    — Il mériterait de passer en
conseil de guerre pour cette insolence.
    — Tu as promis que…
    — En effet, et je le
regrette », répondit-il furieux.
    Lloyd George fit alors son
entrée.
    De petite taille, il paraissait
fluet dans sa tenue de ville. Ses cheveux un peu trop longs n’étaient pas très
bien coiffés et sa moustache broussailleuse était toute blanche à présent. Il
avait cinquante-trois ans, mais marchait d’un pas vif. Il s’assit et adressa
quelques mots à un député. Ethel reconnut son sourire, si souvent reproduit en
photo dans les journaux.
    Il prit la parole à quatre heures
dix. Un peu enroué, il expliqua qu’il avait mal à la gorge et fit une pause
avant d’ajouter : « Je me présente aujourd’hui devant la Chambre des
communes chargé de la plus lourde responsabilité qui puisse incomber à un
homme. »
    C’était un bon début, pensa
Ethel. Au moins, il ne balaierait pas la note allemande d’un revers de main
comme l’avaient fait les Français et les Russes, en prétextant que ce n’était
qu’un piège habile ou une manœuvre de diversion.
    «Tout homme ou groupe d’hommes
qui, de gaieté de cœur ou sans cause suffisante, prolonge une lutte terrible
comme celle-ci aurait sur sa conscience un crime que des océans ne sauraient
laver. »
    Petit rappel biblique, se dit
Ethel, référence baptiste aux péchés qui peuvent être absous.
    Puis, comme un prédicateur, il
enchaîna par une proposition contraire : « Mais d’autre part, il est
également vrai que tout homme ou groupe d’hommes qui, obéissant à un sentiment
de fatigue ou de désespoir, abandonnerait la lutte sans avoir atteint le but
élevé pour lequel nous y sommes entrés serait coupable du plus coûteux acte de
lâcheté qu’un homme d’État ait jamais commis. »
    Ethel ne tenait plus en place. De
quel côté allait-il pencher ? Le jour des télégrammes lui revint en
mémoire, elle revit les visages de ces femmes ravagées par la douleur.
Assurément, un homme politique comme Lloyd George ne pouvait permettre que
des drames aussi poignants se poursuivent s’il était en son pouvoir de
l’empêcher. Sinon, à quoi bon faire de la politique ?
    Lloyd George cita la phrase
d’Abraham Lincoln : « Nous avons accepté cette guerre avec un
objectif en vue, un objectif international, et la guerre cessera quand cet
objectif aura été réalisé. »
    C’était inquiétant. Ethel aurait
bien voulu lui demander en quoi consistait cet objectif. Woodrow Wilson, qui
avait posé la question, n’avait pas reçu de réponse à ce jour. Lloyd George
n’en fournissait pas davantage maintenant. « Avons-nous des chances
d’atteindre cet objectif en acceptant l’invitation du chancelier ?
demanda-t-il alors. C’est la seule question que nous avons à nous poser. »
    Ethel était exaspérée. Comment
débattre de cette question si personne ne connaissait l’objectif de cette
guerre ?
    Lloyd George éleva la voix à
la façon d’un prêtre s’apprêtant à évoquer l’enfer. « Au moment où
l’Allemagne se proclame victorieuse, entrer, sur son invitation, dans une
conférence sans savoir les propositions qu’elle fera… » – il
s’interrompit pour parcourir la salle du regard, se tournant d’abord vers les
libéraux derrière lui et à sa droite, puis vers les conservateurs, de

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