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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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gens tenaillés par la faim aimaient faire la grasse matinée le
dimanche. Mais le temps restait radieux et, sur le coup de midi, la foule
commença à affluer des faubourgs, à pied ou en tramway. Certains se
rassemblèrent dans les jardins du palais. Ce n’étaient pas tous des ouvriers,
nota Grigori. On reconnaissait des représentants de la classe moyenne, des
étudiants et même quelques hommes d’affaires visiblement prospères. Beaucoup
étaient accompagnés de leurs enfants. Étaient-ils venus exprimer leurs opinions
politiques ou simplement se promener ? Peut-être ne le savaient-ils pas
bien eux-mêmes, se dit Grigori.
    À l’entrée du palais, il remarqua
un jeune homme bien mis, dont il reconnut immédiatement le visage séduisant
pour l’avoir souvent vu en photographie dans les journaux. C’était le député Alexandre
Fedorovitch Kerenski, membre des troudoviks, une faction modérée des
socialistes révolutionnaires. Grigori lui demanda ce qui se passait à l’intérieur.
« Le tsar a officiellement dissous la douma aujourd’hui », répondit
Kerenski.
    Grigori secoua la tête avec
dégoût. « Réaction typique : s’en prendre à ceux qui se plaignent au
lieu de s’atteler aux problèmes. »
    Kerenski lui jeta un regard
perçant. Il ne s’attendait sans doute pas à ce qu’un soldat analyse aussi bien
la situation. « Exactement, dit-il. De toute façon, les députés ont décidé
d’ignorer ce décret.
    — Qu’est-ce qui va se passer ?
    — La plupart des gens
pensent que les manifestations tourneront court, dès que le pouvoir aura réussi
à rétablir l’approvisionnement en pain », répondit Kerenski avant de s’engouffrer
à l’intérieur du palais.
    Grigori se demanda comment les
modérés pouvaient y croire. Si le gouvernement avait été capable de rétablir l’approvisionnement,
il l’aurait fait depuis longtemps au lieu d’instaurer le rationnement. Comme
toujours, les modérés vivaient d’espoirs, aveugles aux réalités.
    Tôt dans l’après-midi, Grigori
eut la surprise d’apercevoir dans la foule les visages souriants de Katerina et
de Vladimir. Il s’était préparé à passer ce dimanche loin d’eux, contrairement
à son habitude. À son grand soulagement, Vladimir avait l’air en bonne forme et
heureux. De toute évidence, il s’était remis de son infection. Il faisait assez
chaud pour que Katerina porte son manteau ouvert, laissant entrapercevoir sa
silhouette séduisante. Grigori aurait tant voulu la caresser. Elle lui sourit,
et il pensa aux baisers dont elle aurait pu lui couvrir le visage, au lit ;
un sentiment de regret lui transperça le cœur. Leurs étreintes du dimanche
après-midi lui étaient si chères !
    « Comment as-tu su que j’étais
ici ? lui demanda-il.
    — Je passais par hasard.
    — Ça me fait plaisir de vous
voir, mais ne restez pas dans le centre, c’est dangereux. »
    Katerina porta les yeux sur la
foule qui déambulait dans les jardins. « Ça a l’air plutôt calme par ici. »
    Grigori ne pouvait pas la
contredire. Il n’y avait effectivement aucun signe de troubles.
    La mère et l’enfant partirent
faire le tour du lac gelé. Ils n’avaient fait que quelques pas quand le petit
tomba. Grigori, qui les suivait du regard, en eut le souffle coupé. Katerina
prit Vladimir dans ses bras et le consola. Ils repartirent. Ils semblaient si
vulnérables. Que leur réservait la vie ?
    Quand ils revinrent, Katerina lui
annonça qu’elle ramenait Vladimir à la maison pour sa sieste.
    « Passez par les petites
rues, recommanda Grigori. Évitez la foule. Je ne sais pas ce qui peut se
passer.
    — Entendu, dit-elle.
    — C’est promis ?
    — C’est promis. »
    Ce jour-là non plus, Grigori n’assista
à aucune effusion de sang. Mais à la caserne, le soir, d’autres groupes lui
racontèrent une histoire bien différente. Place Znamenskaïa, des soldats
avaient reçu l’ordre de tirer et il y avait eu quarante morts parmi les
manifestants. Grigori sentit un étau glacé lui serrer le cœur. Katerina avait
peut-être été tuée en rentrant chez elle !
    D’autres étaient aussi
scandalisés que lui ; à la cantine, la fièvre montait. Sentant l’humeur de
ses hommes, Grigori grimpa sur une table et réclama le silence. Il proposa aux
soldats de s’exprimer tour à tour. Le dîner ne tarda pas à se transformer en
meeting. Il appela d’abord Isaak, connu de tous pour être le meilleur
footballeur du

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