Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
Vom Netzwerk:
une autre un soldat, jusqu’à ce que le
chargeur soit vide. Le garçon laissa tomber le pistolet.
    Grigori n’eut pas le temps de
réagir à cette horreur. Des cris l’obligèrent à se retourner. Sur le seuil d’une
chapellerie fermée, un couple se livrait sans vergogne à des ébats. Le dos
plaqué au mur et les pieds ancrés au sol, la femme avait la jupe retroussée
jusqu’à la taille. Debout entre ses jambes écartées, un caporal en uniforme,
genoux pliés et pantalon déboutonné, donnait de grandes poussées sous les
encouragements de la section de Grigori, massée autour du couple.
    Une fois satisfait, l’homme se
retira vivement et s’écarta tout en refermant sa braguette, tandis que la femme
baissait ses jupes. « Hé, attends une minute ! lança un soldat du nom
d’Igor. À mon tour ! » Il troussa la femme, livrant ses jambes
blanches à la vue de tous.
    Les autres l’acclamèrent.
    « Non ! » gémit la
femme en cherchant à le repousser. Elle était saoule, mais pouvait encore se
défendre.
    Petit, sec et nerveux, Igor
possédait une force insoupçonnée. Il la plaqua contre le mur et la prit par les
poignets. «Allons, dit-il. Un soldat en vaut bien un autre. »
    Comme elle se débattait, deux
autres soldats l’attrapèrent pour la maintenir.
    Le caporal cria : « Hé,
fichez-lui la paix, vous autres !
    — T’as eu ton tour, à moi
maintenant ! » rétorqua Igor en se déboutonnant.
    Grigori intervint, révolté par
cette scène. «Arrête ! » hurla-t-il.
    Igor le défia du regard. « Tu
te prends pour un officier, maintenant, Grigori Sergueïevitch, que tu me donnes
des ordres ?
    — Pas pour un officier, pour
un être humain ! Voyons, Igor, tu vois bien qu’elle résiste. Tu en trouveras
une autre.
    — C’est elle que je veux ! »
Igor regarda autour de lui. « Et on la veut tous, pas vrai, les gars ? »
    Grigori fit un pas en avant, les
poings sur les hanches. « Vous êtes quoi, des hommes ou des chiens ?
cria-t-il. Elle a dit non ! » Passant le bras autour des épaules d’Igor,
il ajouta : « Dis-moi plutôt, camarade, il n’y a pas un endroit dans
le coin où on peut trouver de quoi se rincer le gosier ? »
    Igor sourit, les soldats
hurlèrent de joie, et la femme en profita pour s’éclipser.
    « Je vois un petit hôtel
juste en face, poursuivit Grigori. Allons voir le proprio. Avec un peu de
chance, il lui reste de la vodka. »
    Les hommes applaudirent encore et
tout le groupe entra dans l’hôtel.
    Dans le vestibule, le
propriétaire effrayé servait de la bière gratuitement. Sage idée, se dit
Grigori. Il fallait plus de temps pour boire de la bière que de la vodka, et ça
incitait moins à la violence.
    Il accepta un verre et en but une
gorgée. Toute son exaltation avait disparu. Il était soudain dégrisé. La scène
avec la femme dans l’embrasure de la porte l’avait affligé, pour ne rien dire
du peut garçon au pistolet. C’était horrible ! La révolution ne consistait
pas seulement à rejeter le joug. Il pouvait être dangereux d’armer le peuple.
Quant à laisser des soldats conduire les voitures des bourgeois, c’était
presque aussi meurtrier. Jusqu’à cette liberté, apparemment inoffensive, d’embrasser
qui on voulait ! En quelques heures, elle avait failli conduire sa section
à commettre un viol collectif.
    Ça ne pouvait pas continuer
ainsi.
    Il fallait de l’ordre. Sans
revenir au temps passé, bien sûr. C’était au tsar qu’on devait les queues pour
le pain, la brutalité policière et la pénurie de bottes pour l’armée. La
liberté sans le chaos, ce n’était tout de même pas impossible, si ?
    Prétextant une envie de se
soulager, Grigori abandonna ses hommes et rebroussa chemin le long de la
perspective Nevski. Aujourd’hui, le peuple avait gagné la bataille. La police
du tsar et les officiers de l’armée avaient été vaincus. Mais si ce n’était que
pour aboutir à une orgie de violence, il ne faudrait pas longtemps avant que le
peuple réclame le retour de l’ancien régime.
    Qui détenait le pouvoir ? La
douma ? À en croire Kerenski, elle avait bravé l’ordre du tsar et refusé
sa dissolution. Certes, elle était pieds et poings liés, mais au moins elle
symbolisait la démocratie. Grigori décida d’aller voir ce qui se passait au
palais de Tauride.
    Il prit au nord en direction du
fleuve, puis obliqua à l’est vers le parc de Tauride. Quand il y arriva, la
nuit était

Weitere Kostenlose Bücher