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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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le
confort, les biens matériels ne l’intéressaient pas. Seule la politique
occupait ses journées. Il consacrait tout son temps à discuter politique, à
écrire sur la politique, à penser à la politique et à prendre des notes. Dans
les débats, il semblait toujours mieux informé que ses camarades et donnait l’impression
d’avoir réfléchi plus longuement qu’eux et plus en profondeur – sauf
lorsque la conversation portait sur un sujet qui n’avait rien à voir avec la
Russie ni avec la politique. Dans ce cas, il se révélait plutôt ignorant.
    C’était un parfait rabat-joie. Le
premier soir, Karl Radek, un jeune binoclard, racontait des blagues dans le
compartiment voisin. « Un homme se fait arrêter pour avoir dit : “ Nicolas est un crétin. ” Il explique au policier : “ Je parlais d’un autre Nicolas, pas de notre tsar bien-aimé. ” Le policier lui répond : “ Menteur !
Si tu as dit crétin, c’est forcément de notre tsar que tu parlais ! ”  » Les compagnons de Radek étaient morts de rire. Lénine sortit
de son compartiment, le visage crispé de fureur, pour les faire taire.
    Lénine n’aimait pas qu’on fume.
Il avait lui-même arrêté trente ans plus tôt à la demande insistante de sa
mère. Par respect pour lui, les gens allaient fumer dans les toilettes, au bout
du wagon. Comme il n’y avait qu’un seul cabinet pour trente-deux personnes, les
queues et les disputes étaient sans fin. Lénine employa sa remarquable
intelligence à résoudre ce problème. Il découpa des feuilles de papier et
distribua à chacun des tickets de deux sortes, les uns destinés à l’utilisation
normale des toilettes, les autres, moins nombreux, pour ceux qui voulaient
fumer. Cela permit de réduire la file d’attente et de mettre un terme aux
chamailleries. Walter trouva la chose amusante. C’était efficace et tout le
monde était content. Pourtant, il n’y avait eu ni discussion ni tentative de
décision collective. Dans le groupe, Lénine se comportait en petit dictateur. S’il
accédait un jour véritablement au pouvoir, dirigerait-il l’empire russe de la
même manière ?
    Mais arriverait-il au pouvoir ?
Dans le cas contraire, Walter perdait son temps.
    Il n’y avait qu’un moyen d’améliorer
les perspectives de réussite de Lénine, et il était décidé à s’y consacrer.
    Walter descendit du train à
Berlin, annonçant aux Russes qu’il les rejoindrait pour la dernière partie du
voyage. « Ne traînez pas, lui dit l’un d’eux. Nous repartons dans une
heure.
    — Je n’en ai pas pour
longtemps. » Le train repartirait quand Walter le déciderait, mais les
Russes n’en savaient rien.
    Le convoi était stationné dans la
gare de la Potsdamer Platz, sur une voie de garage. Il ne fallut à Walter que
quelques minutes pour gagner à pied le ministère des Affaires étrangères au
76 Wilhelmstrasse, au cœur du vieux Berlin. Le vaste bureau de son père
était meublé d’une lourde table d’acajou, d’un portrait du kaiser et d’une
vitrine abritant sa collection de céramiques, parmi lesquelles se trouvait un
compotier en Wedgwood rapporté de son dernier voyage à Londres. Comme Walter l’avait
espéré, Otto était là.
    « Les convictions de Lénine
ne font aucun doute, annonça-t-il à son père devant une tasse de café. Il dit
qu’ils ont éliminé le symbole de l’oppression, le tsar, sans changer la société
russe. Les ouvriers n’ont pas réussi à prendre les commandes. C’est la classe
moyenne qui régente encore tout. De plus, pour une raison que j’ignore, Lénine
a une dent contre Kerenski.
    — Mais peut-il renverser le
gouvernement provisoire ? »
    Walter écarta les mains dans un
geste d’ignorance. « Il est extrêmement intelligent, très déterminé, c’est
un meneur d’hommes et il passe tout son temps à travailler. Mais les bolcheviks
ne constituent qu’un petit parti parmi des dizaines d’autres qui convoitent le
pouvoir, et il est impossible de dire lequel émergera.
    — Autrement dit, tous ces
efforts seront peut-être inutiles.
    — À moins que nous n’aidions
les bolcheviks à gagner.
    — Comment ?»
    Walter prit une profonde
inspiration. « En leur donnant de l’argent.
    — Quoi ?» Otto était
indigné. « Que le gouvernement allemand donne de l’argent à des
révolutionnaires socialistes ?
    — Je suggérerais cent mille
roubles pour commencer, dit Walter sans se laisser démonter. De

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