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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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supérieurs bornés.
Son milieu aisé et ses manières raffinées lui valurent quelques sarcasmes, mais
il les supporta sans broncher.
    Chuck remarqua avec étonnement
que, dans le feu de l’action, Gus manifestait une certaine grâce nonchalante qu’on
ne lui avait connue que sur les courts de tennis. « Tu ressembles à une
girafe, disait Chuck, mais tu cours aussi vite qu’elle. » Gus ne se
débrouillait pas mal non plus en boxe, grâce à sa grande allonge, mais son
sergent instructeur lui fit savoir, à son grand regret, qu’il n’avait pas un
instinct de tueur.
    De fait, il se révéla un tireur
déplorable.
    Il voulait être un bon soldat, ne
fût-ce parce qu’il savait que beaucoup de gens pensaient qu’il ne tiendrait pas
le coup. Il tenait à leur prouver, et peut-être à se prouver à lui-même, qu’il
n’était pas une mauviette. Mais il avait une autre motivation. Il croyait à ce
pour quoi il se battait.
    Le président Wilson avait
prononcé devant le Congrès et le Sénat un discours qui avait eu un grand
retentissement. Il avait prôné rien de moins qu’un nouvel ordre mondial. « Une
association générale des nations doit être constituée sous des alliances
spécifiques ayant pour objet d’offrir des garanties mutuelles d’indépendance
politique et d’intégralité territoriale aux petits comme aux grands États. »
    La création d’une Société des nations
était un rêve pour Wilson, pour Gus et beaucoup d’autres, parmi lesquels,
curieusement, Sir Edward Grey, qui avait été le premier à en suggérer l’idée
quand il était secrétaire au Foreign Office de Grande-Bretagne.
    Wilson avait présenté son
programme sous forme de quatorze points. Il avait parlé de réduction des
armements, du droit des peuples colonisés à décider de leur avenir, de liberté
pour les États des Balkans, pour la Pologne et les peuples assujettis de l’empire
ottoman. Son discours avait été baptisé les « quatorze points de Wilson ».
Gus enviait les hommes qui avaient aidé le président à le rédiger. Autrefois,
il y aurait lui aussi contribué.
    « Un principe évident est
présent dans l’ensemble du programme, avait expliqué Wilson. C’est le principe
de justice pour tous les peuples et nationalités et leur droit à vivre ensemble
sur un pied d’égalité de liberté et de sécurité, qu’ils soient puissants ou
faibles. » Gus avait eu les larmes aux yeux en lisant ces mots. « Les
citoyens des États-Unis ne pourront agir selon aucun autre principe. »
    Pouvait-on vraiment envisager que
les nations règlent leurs différends sans guerre ? Paradoxalement, cela
valait la peine qu’on se batte pour une pareille idée.
    Gus, Chuck et leur bataillon de
mitrailleurs partirent de Hoboken, dans le New Jersey, à bord du Corinna ,
un paquebot de luxe converti en transport de troupes. La traversée prit deux
semaines. En tant que sous-lieutenants, ils partageaient une cabine sur un pont
supérieur. Les rivaux d’autrefois – ils avaient tous deux fait la cour à
Olga Vialov – étaient devenus des amis.
    Ce navire faisait partie d’un
convoi placé sous escorte de la marine, et la traversée se déroula sans
incident, hormis le décès de plusieurs hommes emportés par la grippe espagnole,
une nouvelle maladie qui se répandait à travers le monde. La nourriture était
médiocre : les hommes prétendaient que, après avoir renoncé à la guerre
sous-marine, les Allemands cherchaient maintenant à obtenir la victoire en les
empoisonnant.
    Le Corinna attendit un
jour et demi au large de Brest, à la pointe nord-est de la France. Ils
débarquèrent sur un quai grouillant de monde, envahi de véhicules et de
marchandises, dans un bruit assourdissant d’ordres criés et de moteurs
vrombissants, au milieu d’officiers énervés et de dockers en sueur. Gus commit
l’erreur de demander à un sergent quelle était la raison de leur retard. « Du
retard, mon lieutenant ? répondit l’autre en faisant claquer le mot « retard » comme
une insulte. Hier, nous avons débarqué cinq mille hommes, avec leurs véhicules,
leurs armes, leurs tentes et leurs cuisines roulantes, et nous les avons fait
monter dans des trains et des camions. Aujourd’hui, nous allons encore en
débarquer cinq mille et autant demain. Il n’y a aucun retard. On fait bigrement
vite, vous savez. »
    Chuck murmura à Gus d’un air
hilare : « Tiens-le-toi pour dit. »
    Les débardeurs étaient

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