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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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se
réalisent.
    Aux toutes premières heures du
jour, alors que le train traversait la France en direction de l’est, il regarda
par la fenêtre. En arrivant dans une ville, il fut stupéfait de voir une foule
massée sur les quais et sur la route qui longeait la voie. Malgré l’obscurité,
on les distinguait nettement à la lumière des lampadaires. Ils étaient des
milliers, hommes, femmes et enfants. Il n’y avait pas d’acclamations. Ils
étaient silencieux. Les hommes et les garçons se découvraient au passage du
train et ce geste de respect l’émut aux larmes. Ils avaient attendu toute la
nuit pour voir le train qui contenait tout l’espoir du monde.

XXXV.
Décembre 1918-février 1919
    1.
    Le dépouillement des votes eut
lieu trois jours après Noël. Ethel et Bernie Leckwith se rendirent à l’hôtel de
ville d’Aldgate pour assister à la proclamation des résultats, Bernie à la
tribune, Ethel dans l’assistance.
    Bernie était battu.
    Il resta stoïque, mais Ethel
pleura. Pour lui, c’était la fin d’un rêve. Un rêve absurde peut-être, mais il
n’en était pas moins blessé et elle souffrait pour lui. Le siège avait été
remporté par un libéral qui soutenait la coalition de Lloyd George. Les
conservateurs n’avaient donc pas présenté de candidat et leurs électeurs
avaient voté libéral. Les travaillistes n’avaient pas fait le poids devant une
alliance aussi puissante.
    Bernie félicita son concurrent
vainqueur et descendit de l’estrade. Les autres membres du parti travailliste
avaient apporté une bouteille de scotch et voulaient prolonger la soirée pour
se consoler, mais Ethel et Bernie rentrèrent chez eux.
    « Je ne suis pas fait pour
ça, avoua Bernie pendant qu’Ethel préparait un chocolat.
    — Tu t’es bien débrouillé.
Mais tu t’es fait damer le pion par ce fichu Lloyd George. »
    Bernie secoua la tête. « Je
ne suis pas un meneur, dit-il. Je suis un penseur, et un organisateur. J’ai
essayé de temps en temps de parler aux gens comme tu le fais, de les enflammer
pour notre cause, mais je n’y suis jamais arrivé. Quand tu t’adresses à eux,
ils t’aiment. Voilà la différence. »
    Il avait raison.
    Le lendemain matin, la presse
leur apprit que les résultats d’Aldgate reflétaient ceux de tout le pays. La
coalition avait remporté cinq cent vingt-cinq sièges sur sept cent sept, une
des plus fortes majorités de l’histoire du Parlement. Les gens avaient voté
pour l’homme qui avait gagné la guerre.
    Ethel était amèrement déçue. C’étaient
encore les mêmes qui dirigeaient le pays. Les politiciens responsables de
millions de morts fêtaient leur succès comme s’ils avaient accompli un exploit
extraordinaire. Qu’avaient-ils apporté ? Le chagrin, la faim, la
destruction. Dix millions d’hommes avaient péri pour rien.
    Il y avait cependant une petite
lueur d’espoir : le parti travailliste avait renforcé sa position avec
soixante sièges contre quarante-deux auparavant.
    C’étaient les libéraux anti-Lloyd
George qui avaient le plus souffert. Ils n’avaient remporté que trente
circonscriptions et Asquith lui-même avait perdu son siège. « Cela annonce
peut-être la fin du parti libéral, remarqua Bernie en préparant une tartine
pour son déjeuner. Ils ont déçu. Le parti travailliste est désormais le parti d’opposition.
C’est une consolation. »
    Le courrier arriva au moment où
ils partaient au travail. Ethel y jeta un coup d’œil pendant que Bernie laçait
les chaussures de Lloyd. Il y avait une lettre de Billy, écrite en code. Elle s’assit
à la table de la cuisine pour la déchiffrer.
    Elle souligna les mots clés au
crayon et les nota sur un calepin. Elle ouvrit de grands yeux au fur et à
mesure qu’elle lisait son message.
    « Tu sais que Billy est en
Russie, dit-elle à Bernie.
    — Oui.
    — Eh bien, il raconte que
notre armée a été envoyée là-bas pour combattre les bolcheviks. Il y a aussi
des soldats américains.
    — Ça ne m’étonne pas.
    — Oui, mais écoute, Bern.
Nous savons que les Blancs ne peuvent pas vaincre les bolcheviks, mais si des
armées étrangères s’en mêlent ? Tout peut arriver !
    Bernie prit l’air songeur. « Ils
pourraient rétablir la monarchie.
    — Les gens d’ici ne l’accepteront
pas.
    — Les gens d’ici ne savent
pas ce qui se passe.
    — Eh bien, il faut le leur
dire. Je vais faire un article.
    — Qui le publiera ?
    — On verra bien.

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