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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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n’était
pas encore complet : on attendait l’épouse du comte, une Russe lui
avait-on dit – cela expliquait que le lord parle cette langue, ce qui
n’était pas fréquent pour un étranger.
    Grigori s’apprêtait à interroger
Dewar sur Buffalo quand elle entra dans l’atelier. Sa longue jupe balayait le
sol, poussant devant elle une ligne de poussière et de limaille. Elle portait
au– dessus de sa robe un manteau court et était suivie d’un domestique
chargé d’une cape de fourrure, d’une femme de chambre tenant un sac et de l’un
des directeurs de l’usine, le Comte Malakov, un jeune homme habillé comme
Fitzherbert. Manifestement très impressionné par son invitée, Malakov lui
souriait, lui parlait tout bas et lui prenait le bras sans raison. Il fallait
avouer qu’elle était incroyablement jolie, avec ses boucles blondes et sa tête
coquettement inclinée.
    Grigori la reconnut sur-le-champ :
c’était la Princesse Bea.
    Son cœur fit un bond dans sa
poitrine et il eut la nausée. Il réprima farouchement les images affreuses qui
remontaient d’un passé lointain. Puis, comme dans toutes les situations
critiques, il jeta un coup d’œil furtif à son frère. Lev se souviendrait-il ?
Il n’avait que six ans à l’époque. Lev regardait la princesse avec curiosité,
essayant visiblement de la situer. Bientôt, sous les yeux de Grigori, son
expression changea. Il l’avait reconnue. Il pâlit, sembla pris d’un malaise,
avant de s’empourprer soudain de colère.
    Grigori était déjà à côté de lui.
« Ne t’énerve pas, murmura-t-il. Ne dis rien. Rappelle-toi, nous serons
bientôt en Amérique – rien ne doit se mettre en travers de ce
projet ! »
    Lev eut un haut-le-cœur.
    « Retourne aux
écuries », lui conseilla Grigori. Lev était palefrenier et s’occupait des
nombreux chevaux de l’usine.
    Un instant encore, Lev garda le
regard rivé sur la princesse qui n’avait rien remarqué. Puis il se détourna et
s’éloigna. Le danger était passé.
    Grigori commença sa
démonstration. Il adressa un signe de tête à Isaak, un homme de son âge,
capitaine de l’équipe de football de l’usine. Isaak ouvrit le moule à fonte.
Varia et lui soulevèrent ensuite un gabarit de bois poli, le modèle d’une roue
de train à boudin. En soi, c’était déjà un ouvrage admirable, avec des rayons à
profil elliptique, effilés de un à vingt du moyeu au bandage. La roue étant
destinée à une grosse locomotive 4-6-4, le gabarit était presque aussi grand
que ceux qui le portaient.
    Ils l’enfoncèrent dans une
profonde cuve remplie d’un mélange de moulage sableux et humide. Isaak le
recouvrit de la coquille pour former la table de roulement et le boudin, avant
de poser le couvercle du moule par-dessus.
    Ils ouvrirent l’assemblage et
Grigori inspecta l’empreinte laissée par le gabarit. Il n’y avait pas
d’irrégularités apparentes. Il aspergea le sable de moulage d’un liquide noir
et visqueux, puis referma le châssis. « Surtout, restez bien en arrière
maintenant, je vous prie », dit-il aux visiteurs. Isaak déplaça la
goulotte de la trémie jusqu’à l’entonnoir situé au-dessus du moule. Grigori
abaissa lentement le levier qui inclinait la trémie.
    L’acier en fusion coula lentement
dans le moule. La vapeur dégagée par le sable mouillé sortit en sifflant des
orifices d’échappement. Grigori savait d’expérience à quel moment relever la
trémie pour arrêter la coulée. « L’étape suivante consiste à affiner la
forme de la roue, dit-il. Mais comme le métal brûlant met très longtemps à
refroidir, je vais utiliser une roue déjà fondue. »
    Elle était posée sur un tour et
Grigori fit un signe de tête à Konstantin, le tourneur, le fils de Varia. Cet
intellectuel mince, dégingandé, aux cheveux noirs en bataille était président
du groupe de discussion bolchevique. C’était également le meilleur ami de
Grigori. Il lança le moteur électrique, faisant tourner la roue à vive allure,
et entreprit de la façonner à la lime.
    « S’il vous plaît, ne vous
approchez pas du tour, dit Grigori aux visiteurs, élevant la voix pour couvrir
le gémissement strident de la machine. Si vous le touchiez, vous pourriez
perdre un doigt. » Il leva la main gauche. « Comme cela m’est arrivé,
ici même, quand j’avais douze ans. » Son médius était réduit à un affreux
moignon. Il surprit la mine irritée du Comte Malakov, qui

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