La Chute Des Géants: Le Siècle
contacts
avec les groupes révolutionnaires les plus enragés de ce pays, des fanatiques
décidés à détruire tout ce qui fait notre mode de vie !
— Plus les Anglais en
sauront sur le bolchevisme, moins il les séduira, faites-moi confiance. Il n’est
redoutable qu’à distance, vu à travers des brumes impénétrables. J’irais jusqu’à
dire que le bolchevisme constitue un rempart pour la société britannique, car
il inspire à toutes les classes sociales une véritable horreur de ce qui
pourrait advenir si l’ordre social actuel était renversé.
— Cela ne me plaît pas,
voilà tout.
— En outre, poursuivit Lloyd
George, si nous les expulsons, cela pourrait nous obliger à expliquer comment
nous avons été informés de leurs manigances – et si l’on apprend que nous
les espionnons, cela pourrait nous aliéner l’opinion ouvrière bien plus
efficacement que tous leurs discours indigestes. »
Fitz n’appréciait pas de se faire
sermonner sur les réalités politiques, même par le Premier ministre, mais il
était tellement irrité qu’il s’obstina à argumenter. « Enfin, tout de
même, cela ne nous oblige pas à faire du commerce avec les bolcheviks !
— Si nous refusions de faire
des affaires avec tous ceux qui utilisent leurs ambassades à des fins de
propagande, nous n’aurions plus beaucoup de partenaires commerciaux. Allons,
allons, Fitz, nous commerçons bien avec les cannibales des îles Salomon ! »
Fitz était sceptique – les
cannibales des îles Salomon n’avaient pas grand-chose à offrir, après
tout –, pourtant il ne releva pas. « Sommes-nous en si fâcheuse
posture que nous devions vendre nos marchandises à ces assassins ?
— J’en ai bien peur. J’ai
discuté avec un certain nombre d’industriels, et leurs perspectives pour les
dix-huit mois à venir ne sont pas réjouissantes. Les commandes n’arrivent pas.
Les clients n’achètent pas. Nous sommes peut-être à la veille de la pire
période de chômage que nous ayons connue, vous et moi. Les Russes ne demandent
qu’à acheter – et ils payent en or.
— Je n’accepterais cet or
pour rien au monde !
— Ah, Fitz, lança Lloyd
George, c’est ce que vous en avez déjà tant ! »
3.
Tout Wellington Row était en fête
le jour où Billy revint à Aberowen avec sa jeune épouse.
C’était un samedi d’été, et pour
une fois, il ne pleuvait pas. Billy et Mildred arrivèrent à la gare à trois
heures de l’après-midi avec les enfants de la jeune femme, les nouvelles
belles-filles de Billy, Lilian et Enid, qui avaient à présent sept et huit ans.
À cette heure-là, les mineurs étaient remontés du fond, ils avaient pris leur
bain hebdomadaire et enfilé leurs costumes du dimanche.
Les parents de Billy étaient
venus le chercher à la gare. Il les trouva vieillis et diminués ; ils ne
dominaient plus ceux qui les entouraient. Da lui serra la main en disant :
« Je suis fier de toi, fiston. Tu leur as tenu tête, exactement comme je
te l’avais appris. » La remarque fit plaisir à Billy, qui appréciait
pourtant moyennement que Da ne voie en lui qu’une réussite de plus à son actif.
Ses parents avaient déjà fait la
connaissance de Mildred au mariage d’Ethel. Da serra la main de la jeune femme
et Mam l’embrassa.
« Quel plaisir de vous
revoir, madame Williams, dit Mildred. Je peux vous appeler Mam, maintenant ? »
Elle n’aurait pu trouver mieux,
et Mam fut enchantée. Billy était sûr que Da finirait par l’aimer, à condition,
bien sûr, qu’elle s’abstienne de jurer.
Les questions insistantes de députés
à la Chambre des communes – abondamment informés par Ethel – avaient
contraint le gouvernement à prononcer des remises de peine au bénéfice d’un
certain nombre de soldats et de marins condamnés pour mutinerie et autres
délits par des cours martiales en Russie. La peine de Billy avait été réduite à
un an. Il avait donc été libéré et démobilisé. Il avait épousé Mildred dès qu’il
l’avait pu.
Il avait du mal à reconnaître
Aberowen. L’endroit n’avait pourtant pas tellement changé, mais son regard
était différent. La ville lui paraissait petite et morne, les montagnes qui l’entouraient
lui faisaient l’effet de murailles destinées à empêcher les gens de partir. Il
ne s’y sentait plus vraiment chez lui. C’était comme lorsqu’il avait remis son
costume d’avant-guerre. Il lui allait toujours, mais
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