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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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viens de m’faire le plus beau des
     cadeaux !
    Heureux, le père étouffa François-Xavier d’une forte étreinte.
    — Si ça continue, j’va brailler comme un veau moé itou ! dit-il en relâchant
     son fils. Remettons-nous en route si on veut pas être en retard. C’est si beau
     une messe de minuit !
    Le cheval hennit de contentement devant l’ordre de repartir.
    — Je l’sais, ma vieille, nous autres aussi on a frette !
    François-Xavier approcha la croix à hauteur de son visage et l’examina de plus
     près.
    — Tu vas voir quand tu seras à la clarté, dit Ernest, a va briller. Y était
     habile de ses mains, mon père. Il a tout collé des petits grains d’or. Pas de la
     vraie comme de raison, mais celle qu’on trouve sur le bord des ruisseaux, l’or
     des fous qu’on l’appelle. J’te montrerai cet été.
    — Est belle… dit François-Xavier souriant.
    — Quand mon père me l’a donnée, y m’a dit : « Ernest, avec elle, t’auras
     toujours de la lumière, la vraie, celle du Seigneur. Quand t’auras l’impression
     d’être dans le noir, sors-là, pis tu verras… » Y savait parler, mon père…
    Fatigué, et par l’heure tardive, et par sa crise de larmes, François-Xavier se
     colla contre son père et ferma les yeux, serrant précieusement son
     étrenne.
    — La vie est parfois ben dure avec nous autres, reprit Ernest
     tout en fixant son attention sur le chemin.
    — Ouais, ben dure, ajouta-t-il comme s’il pensait à haute voix. Pis, on a
     souvent de la misère à comprendre pourquoi…
    Il soupira, regarda les cieux, puis son fils en train de s’assoupir.
    Le petit garçon glissa un peu de côté sur le banc et se coucha à demi sur son
     père. Ernest souleva son bras et accueillit la tête de son fils sur ses genoux.
     Ah, que François-Xavier se sentait bien ainsi, à la chaleur, calé contre la
     sécurité paternelle.
    — Tu dors ? demanda Ernest.
    — Non, non, j’dors pas…
    — Pis à l’église aussi tu vas rester éveillé ?
    — Oui, oui, promit François-Xavier en bâillant.
    — Ouais, chus pas si sûr que ça, moé. Ah, trois messes dans la même nuitte !
     Mais ça vaut la peine ! Fêter la naissance du p’tit Jésus ! Lui aussi y a déjà
     été un p’tit gars comme toé. Sa mère a dû le mettre au monde en cachette dans
     une étable, à cause qu’on voulait y faire du mal… Pis, après, y a grandi pis y a
     connu ben des souffrances. On lui a dit des choses méchantes… On l’a battu, pis
     on l’a mis sur une croix, comme celle que j’t’ai donnée. On lui a cloué les
     mains, pis les pieds… Pis là, y a pardonné… On va faire comme lui, mon
     François-Xavier, pis on va pardonner à ta mère… c’est pas de sa faute, est
     malade… J’m’en va prendre soin de toé, tuseul, pis on va ben s’entendre tous les
     deux… j’te l’promets.
    François-Xavier se redressa et affectueusement, embrassa son père. Un
     merveilleux de petit bec, tout doux sur la joue.
    — Ah ben baptême, deux cadeaux dans la même soirée ! Mon p’tit bonjour, toé !
     fit Ernest, attendri. Tiens nous v’la rendus au grand bout droit du pont de
     glace. Tiens toé ben, parce qu’on va s’envoler, mon fils ! Hue la jument !
    L’attelage fila à toute allure, traversant la rivière glacée,
     et à des lieues à la ronde, on entendit l’éclat de rire d’un enfant surexcité
     par la vitesse, accompagné par celui d’un père rempli de joie par le cadeau sans
     prix qu’il venait de recevoir.

    À l’église, les cantiques furent grandioses et donnèrent des frissons dans le
     dos. Il régnait une telle effervescence que le curé Lapointe dut gentiment
     rappeler à l’ordre ses ouailles un peu trop bruyantes. Il devait avouer qu’il
     expédia quelque peu les deux dernières messes, les longues litanies en latin
     étant en train d’endormir son auditoire. Les femmes arboraient leurs plus beaux
     atours et exhibaient fièrement leurs nouveaux chapeaux. Mais c’est avec une
     réelle solennité que tous écoutèrent son sermon et avec ferveur qu’ils
     répondirent d’une voix unie et forte aux prières. S’il pouvait en être de même à
     longueur d’année, pensa le curé avec amusement. Non pas que d’habitude ses
     paroissiens manquaient d’assiduité, mais la routine revenant, ils marmonnaient
     plus qu’autrement et il manquait cette joie qui irradiait dans l’église en cette
     veille de

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