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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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tentantd’atteindre
     la poche de son pantalon, empêtré dans les différentes épaisseurs qui le
     tenaient à la chaleur.
    — Voyons baptême ! Tiens-moé les rênes un peu mon gars, veux-tu ?
    Et, sans attendre l’accord de son fils, il lui tendit les lanières de
     cuir.
    Surpris, François-Xavier prit maladroitement les guides dans ses mains. Gauche
     à cause de ses mitaines et de son inexpérience, il relâcha les rênes et le
     cheval voulut s’arrêter.
    — Non, pas comme ça, intervint son père, tiens-les serrées, oui c’est mieux,
     allez la jument, hue ! On dirait que t’as fait ça toute ta vie ! Bon, c’est pas
     tout ça, où c’est que j’ai mis ce cadeau-là, moé ?
    Ernest laissa François-Xavier se débrouiller. Et tandis que l’enfant s’étonnait
     de se retrouver seul à conduire le cheval, le père s’amusait à se tortiller sur
     la banquette de bois, se relevant les fesses, fouillant de gauche à droite dans
     ses poches, faisant semblant de ne pas retrouver le cadeau qu’il avait caché
     dans sa main.
    — Ben baptême, je l’trouve pas, j’dois l’avoir perdu, dit Ernest en cessant de
     gigoter et en prenant son air le plus désolé.
    L’enfant lui jeta un coup d’œil en coin.
    — Redonne-moé les rênes ! dit le père en les prenant de lui-même. Oups ! Que
     c’est qui est tombé, là sur tes genoux ? demanda innocemment Ernest.
    François-Xavier baissa la tête et regarda le dessus de la couverture de
     fourrure qui recouvrait leurs jambes. Un petit paquet y était niché dans un
     repli.
    — Mais baptême, j’jurerais que c’est le cadeau que j’cherchais, moé ! Ben oui,
     c’est ben lui. Ah ben baptême, un cadeau qui tombe du ciel ! On aura tout
     vu !
    L’enfant ne broncha pas, les yeux rivés sur l’objet.
    — Que c’est que t’attends pour regarder ce qui a dedans ? demandaErnest devant la paralysie de son garçon. Allons, mon bonhomme,
     ouvre ton cadeau, insista-t-il doucement.
    Lentement, François-Xavier dénuda ses mains, puis avec d’infinies précautions,
     ouvrit le paquet. C’était un mouchoir de coton blanc dans lequel reposait une
     jolie petite croix de bois, finement ciselée d’un motif géométrique. Un long
     silence se fit, que seuls la forêt claquant des dents et le cheval, houspillant
     sous l’effort, osèrent troubler.
    — C’est la croix de mon père, tu te rappelles, j’t’en avais parlé… dit Ernest,
     désespéré devant l’absence d’émotion de son fils.
    — J’sais pas si tu te rappelles… j’t’avais raconté comment mon père l’avait
     sculptée…
    — Oh, pis remets donc tes mitaines avant de te geler les mains… déclara
     brusquement Ernest, déçu par le peu d’entrain que son fils démontrait.
    François-Xavier remit ses mains à l’abri et fit de même pour la croix, en la
     remballant bien comme il faut dans le bout de tissu. Un long frisson le
     parcourut. Il n’avait jamais reçu de cadeau… Il faisait de plus en plus froid et
     l’air vif lui piquait les yeux, le faisant pleurer un peu. Son premier cadeau et
     il était si beau… Grelottant, il renifla bruyamment. Les larmes commencèrent à
     couler… Un cadeau pour lui tout seul… à couler… De sa main, il s’essuya le nez…
     à couler… Une belle croix… Il inspira difficilement à coups de hoquets, « Papa
     Rousseau, un cadeau, papa Rousseau, venez m’aider, ça fait mal, j’ai peur, a me
     fait mal, a me fait peur, papa Rousseau… » à couler de plus en plus vite. Ernest
     s’aperçut de la détresse de son fils, arrêta brusquement son cheval, coinça la
     bride entre ses cuisses et empoigna son enfant qu’il serra contre lui.
     François-Xavier sanglotait, de petits cris perçants entrecoupant les pleurs. Ça
     ne se pouvait pas, une peine de même. Bien trop grande pour un si petit
     bonhomme. Jamais Ernestn’avait été témoin d’une telle
     affliction, mais il comprit que l’abcès se vidait, que le pus sortait enfin,
     signe de guérison. Comme tous les gros bobos, il n’en resterait qu’une
     cicatrice, la marque de ceux qui ont souffert. En de longs soupirs, l’enfant se
     calma peu à peu. François-Xavier prit le paquet, ressortit son contenu hors de
     son enveloppe de tissu et timidement dit à son père :
    — J’avais jamais eu de cadeau… merci ben gros.
    Il avait parlé ! Une phrase ! Toute une longue phrase !
    — Oh baptême, mon fils, c’est toé qui

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