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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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déclara
     Antoinette, contente à la perspective de ce voyage inattendu.
    — Mais j’insiste, j’insiste !
    — Ben baptême, que du monde bon comme vous autres existe, ça me dépasse, dit
     Ernest en se levant.
    Ému, il continua timidement :
    — Je… J’sais pas comment vous remercier… J’savais pas quoi faire d’autre que de
     venir vous voir, m’sieur le curé. On peut dire que vous êtes un homme de Dieu,
     vous, un vrai. Pis vous, m’sieur le docteur, j’en connais pas gros qui se
     seraient dévoués comme vous. Pis vous aussi, mademoiselle Antoinette, ma
     Rose-Élise a sent ben votre bonté. Merci, merci beaucoup.
    Le silence se fit et tous se tournèrent vers Rose-Élise qui chantonnait
     doucement tout en s’admirant dans le petit miroir d’argent que la ménagère lui
     avait prêté.
    — Bon, ben j’va y aller, moé… dit Ernest en se raclant la gorge, se retournant
     pour ne pas pleurer encore, pas devant les autres, non.
    — Juste encore une chose, monsieur Rousseau, s’opposa le médecin.
    — Votre fils, expliqua-t-il, euh, il ne parle pas… J’ai examiné ses blessures
     et… non, rien de grave, rassurez-vous, s’empressa-t-il de préciser devant l’air
     inquiet du père. Non, c’est que parfois, et bien parfois, on a déjà vu ces…
     dérèglements se transmettre de mère en fils et…
    — Non, pas de danger, l’interrompit Ernest comprenant où le
     docteur voulait en venir. C’est mon fils adoptif… expliqua-t-il en désignant
     l’enfant qui se cachait derrière lui.
    Ernest prit l’enfant par la main et le ramena doucement devant lui. Celui-ci se
     laissa faire docilement. C’est vrai qu’il n’avait pas dit un mot depuis la
     veille. Au milieu de tous ces événements, Ernest n’avait pas porté attention à
     ce silence. Tout s’était bousculé dans sa tête, et il avait agi d’instinct,
     mettant femme et enfant dans la carriole et poussant le cheval jusqu’à
     l’embarcadère. « Le curé, le curé, se disait-il. Il faut que j’me rende chez le
     curé. » L’attitude de Rose-Élise le déroutait tellement…
    — Dans ce cas, précisa le praticien, il doit s’agir d’un mutisme
     provisoire.
    — Un quoi ? demanda Ernest.
    — Oui, dit le médecin, en s’approchant de François-Xavier et en lui soulevant
     le menton. Tout devrait rentrer dans l’ordre…
    L’enfant restait impassible, le regard éteint.
    — Mon fils serait-y malade aussi ? s’écria Ernest.
    — Non, pas vraiment, répondit le docteur. Je crois que son esprit veut tout
     simplement fuir un trop mauvais souvenir.
    Gentiment, le bon docteur ébouriffa les cheveux de François-Xavier qui resta
     complètement indifférent à la caresse.
    — Soyez très doux avec lui, parlez-lui tout le temps, rassurez-le et ne le
     laissez pas un seul instant.
    — Combien de temps cet état… peut-il durer ? s’informa le curé, en examinant
     l’enfant à son tour.
    — Je voudrais bien pouvoir le dire, mais qui sait ? Un jour, une semaine, des
     mois ? On a déjà vu des cas qui ne se sont jamais remis… mais, ne soyons pas
     pessimistes et puis, c’est connu, les enfants, ça guérit vite !
    — Allons, mon fils, soyez courageux, déclara le curé en mettant
     sa main sur l’épaule d’Ernest, manifestement éprouvé par les paroles du docteur.
     Nous allons prier.
    À ces mots, tous se mirent à genoux et avec ferveur entamèrent un Pater .
    Tous, sauf un petit garçon recouvert d’une armure magique qui le rendait
     invincible et une femme, contemplant l’image d’une petite fille insouciante et
     heureuse qu’un joli miroir à main, enfin retrouvé, lui renvoyait.

    Le visage tuméfié de François-Xavier désenfla et, petit à petit, ne présenta
     plus aucun signe visible de l’agression. La neige tomba et le temps des Fêtes
     arriva, mais le garçon n’avait toujours pas dit un seul mot. Ernest suivait les
     conseils du docteur et lui parlait sans arrêt. Au début, il cherchait quoi lui
     dire, puis il en vint à lui raconter n’importe quoi et même à se confier. Jamais
     il n’en avait autant dit à quelqu’un. Peut-être, dans le fond, croyait-il que
     l’enfant était sourd en plus d’être muet. Ses pensées les plus profondes, il les
     dévoila ; ses secrets, il les partagea, et ses souvenirs, il les raconta,
     raconta et raconta…
    — Mon père, un jour, y m’avait emmené à la pêche avec lui. J’m’en rappelle,
    

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