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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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dans de drôles de réflexions… Elle n’était pas
     comme ça avant. « Allons, chassons ces pensées bizarres et affichons un sourire
     de convenance » se dit-elle. À la vue d’Ernest restant gauchement debout contre
     la porte, gêné et triturant son bonnet de laine entre ses mains, et du petit
     François-Xavier à moitié caché derrière les jambes de son père, son sourire
     n’eut plus rien de forcé et elle s’exclama :
    — Ah ben, si c’est pas notre bon voisin !
    Contente de la surprise, elle s’empressa d’aller à la rencontre de ses invités.
     Elle tenait en haute estime cet homme travaillant et honnête.
    — Entrez, entrez, monsieur Rousseau. Vite, dégrayez-vous pis venez vous
     réchauffer, dit-elle en tendant les bras pour aider Ernest et son fils à se
     départir de leurs vêtements d’hiver.
    — Les garçons s’occupent des chevaux pis y s’en viennent, fit sèchement
     Alphonse, en tendant sa pelisse à sa femme.
    — Bonne année, madame Gagné, salua poliment Ernest. On restera pas longtemps,
     j’voulais pas déranger, ajouta-t-il timidement en donnant son manteau et celui
     de François-Xavier à la femme.
    Il ne savait pas que sa voisine attendait encore un bébé et, malgré son franc
     sourire d’accueil, il était évident que cette femme n’était pas en grande forme,
     les cernes foncés sous les yeux bleus, les traits tirés, le souffle court en
     témoignaient.
    — Ben voyons, arrêtez-moé ça tusuite, rétorqua son hôtesse. Vous êtes toujours
     les bienvenus pis bonne année à vous itou !
    Sans plus de cérémonie, Anna Gagné accompagna ses bons vœux du rituel baiser
     sur les joues. Embarrassé, Ernest rougit malgré lui à cette démonstration
     pourtant anodine.
    — J’t’en avais pas parlé, la femme, mais à messe de minuit j’avaisinvité Ernest à venir fêter avec nous autres. Chus allé à sa
     rencontre, juste pour être sûr qu’il se perde pas en chemin.
    Son voisin le taquinait, Ernest s’en rendait bien compte. Une chance qu’il
     n’avait pas oublié sa promesse et qu’il s’en venait avec son fils vers la ferme
     des Gagné lorsqu’ils avaient croisé Alphonse. Il n’aurait pas trouvé agréable
     que celui-ci débarque chez lui. Il reporta son attention sur sa voisine qui le
     questionnait :
    — Avez-vous des nouvelles de votre femme ?
    — Pas vraiment, juste celles que le curé Lapointe m’a données. Ç’a l’air de ben
     aller vu les circonstances… répondit Ernest en baissant les yeux.
    — J’m’en veux de pas avoir été la visiter plus souvent, reprit la voisine.
     Avoir su qu’était souffrante de même.
    — Viens-t-en, mon Ernest, j’ai quelque chose de bon qui va te réchauffer le
     gorgoton, tu m’en diras des nouvelles, déclara Alphonse en entraînant son voisin
     vers le salon. Occupe-toé du p’tit, Anna, ajouta-t-il à l’adresse de sa
     femme.
    François-Xavier était resté silencieux dans un coin. Il ne savait quoi faire.
     Suivre son père ? Le salon semblait être le refuge des adultes, avait-il le
     droit d’y aller ? Comment devait-il agir ? La dame semblait gentille, mais
     pourquoi son père le laissait-il tout seul ? François-Xavier eut envie de
     pleurer.
    — Allons, on te mangera pas, dit Anna en lui adressant un sourire. Ti-Georges !
     cria-t-elle tout à coup en direction du long escalier qui semblait monter
     jusqu’au ciel.
    Jamais François-Xavier n’avait vu une si belle maison. L’escalier était bordé
     par une rampe aux barreaux torsadés qui se terminaient par une grosse boule de
     bois verni, du même ton brun foncé que les marches.
    — Ti-Georges ! cria de nouveau la mère. Descends t’occuper du p’tit voisin !
     Ti-Georges, c’est mon dernier, j’pense qu’y a le même âgeque
     toé à peu près. Vous allez ben vous entendre, expliqua Anna à François-Xavier,
     qui n’avait pas encore soufflé mot. Ti-Georges ! Combien de fois j’t’ai dit de
     pas courir, pis de te tenir quand tu descends ! chicana-t-elle à la vue de son
     fils dévalant les escaliers sans se soucier des recommandations de sécurité de
     sa mère. Tu vas finir par débouler pis te casser la margoulette. Toé, j’te jure
     c’est des pelures de patates que le p’tit Jésus aurait dû t’apporter à matin,
     dit-elle avant de s’en retourner s’affairer aux préparatifs du repas.
    Il restait encore tant de choses à faire. Dieu sait qu’elle

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