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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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ayant servi à protéger sa croix.
    — Bateau, ça va faire un beau cadeau, le père y en reviendra pas… Mets-le dans
     la boîte.
    Ti-Georges referma le couvercle, heureux, savourant à l’avance la joie de sa
     famille lorsqu’elle en recevrait le contenu. Puis il s’écria :
    — Le dernier rendu est un cornichon cornu !

    Ti-Georges arriva à la cuisine largement en avance sur son nouveau copain. Le
     repas fut délicieux. Madame Gagné et Marie-Ange s’occupèrent de servir tout le
     monde. Ensuite, la maîtresse de maison envoya tout son monde au salon pendant
     qu’elle et ses grandes filles s’occupaient de la vaisselle. Elles rejoignirent
     les hommes un peu plus tard. Ti-Georges commença alors sa distribution de
     cadeaux. Les sœurs et les frères de l’enfant le remercièrent affectueusement,
     faisant semblant d’adorer leurs présents. Anna fut très émue à la vue du
     bricolage enfantin que son dernier fils lui offrit. Mais, lorsque Alphonse reçut
     son cadeau fièrement déposé sur ses genoux par des petites mains hésitantes, il
     regarda le mouchoir d’un air méprisant. Le père toisa son benjamin comme si
     celui-ci venait d’un autre monde et déclara qu’un mouchoir était bien la
     dernière cochonnerie dont il avait besoin, avant de le jeter négligemment sur le
     guéridon près de lui et de se verser une nouvelle fois à boire.
    — Pis cesse de m’déranger, le jeunot, tu vois ben que chus en train de parler
     avec monsieur Rousseau, ajouta-t-il en chassant son fils de la main.
    — Ça fait que mon Ernest, comme j’te l’disais, reprit Alphonse,
     imagine-toé donc que le gros ours noir était deboutte devant moé, c’était une
     femelle pis j’avais dû m’placer entre elle pis ses p’tits sans m’en rendre
     compte, parce que j’te jure qu’était pas de bonne humeur, la grosse… Pis
     là…
    — Allons mon vieux, laisse-moé voir le cadeau que Ti-Georges t’as offert,
     intervint Anna.
    Ah ! que son mari n’avait pas le tour avec les enfants… Jamais un compliment,
     toujours le don de les rabrouer. Cela lui brisait le cœur chaque fois. Voir la
     déception s’installer sur le visage de son petit dernier alors que cette journée
     ne devait être remplie que de joie… Quelle tristesse !
    — Quel beau mouchoir ! reprit-elle en s’exclamant devant le bout de tissu fripé
     et défraîchi.
    Ernest, qui avait reconnu sa possession, échangea un sourire de connivence avec
     François-Xavier et vint lui caresser les cheveux en une silencieuse approbation.
     Alphonse, fâché d’être interrompu encore une fois, commença à protester. Mais
     Anna ne laissa pas son mari reprendre la parole et enchaîna sur un ton
     faussement enjoué :
    — Ti-Georges, c’était vraiment très gentil d’avoir pensé à nous autres de même.
     C’est une bénédiction du ciel que d’avoir un fils avec le cœur à bonne
     place.
    Le petit garçon se dandina sur place et rougit de plaisir.
    — Maintenant, Alphonse, chus certaine que tout le monde meurt d’envie de
     danser, enchaîna-t-elle en cherchant l’approbation des autres. Ferdinand, sors
     ton violon pis joue-nous un air ! Allez la jeunesse, debout, dit-elle, en
     tendant la main à sa fille aînée, pis toé aussi Adrienne pis que ça
     swigne !
    Personne ne se fit prier et tous se mirent à taper du pied et des mains,
     suivant le rythme endiablé du rigodon. Anna fit mine de nepas
     s’apercevoir du regard courroucé de son époux et vint s’asseoir lourdement sur
     une chaise près d’Ernest. Elle regarda, satisfaite, ses invités et sa famille
     s’amuser comme des petits fous. Elle avait fait déplacer tous les meubles,
     rouler les tapis et ranger toutes les chaises de la maison le long des murs.
     Cela ne faisait pas du salon une salle de bal, mais suffisait à mettre les
     femmes au milieu, les hommes autour et changez de côté !
    — Vous dansez pas, monsieur Rousseau ? demanda-t-elle gentiment à son
     voisin.
    Celui-ci, perdu dans ses pensées, se disait que, curieusement, plus il y avait
     de monde dans la maison des Gagné et plus il se sentait seul. Il n’aspirait qu’à
     une seule chose maintenant, retourner au calme chez lui. Mais la vue de
     François-Xavier, qui s’amusait tellement, lui faisait retarder l’heure de son
     départ.
    — C’est pus ben ben de mon âge, répondit poliment Ernest.
    — Allons donc ! Que c’est que vous me chantez là. Moé,

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