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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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pas parcouru la première étape du retour que la
     tempête s’était abattue sur eux. Ernest s’en voulait terriblement. Ils auraient
     dû attendre le lendemain avant de repartir, mais il avait cru fermement avoir le
     temps de revenir à la Pointe avant le mauvais temps. « Baptême de bon à rien »
     se disait-il. S’il avait eu plus d’expérience aussi. Il mettait en danger la vie
     de son fils et celle de la sœur de madame Gagné qui était sous sa responsabilité
     maintenant. Surtout qu’à Roberval, mademoiselle Coulombe ne les avait vraiment
     pas fait attendre. Fin prête, elle les surveillait par la fenêtre, son manteau
     sur le dos, sa malle dans l’entrée. Et on ne pouvait pas dire qu’ils s’étaient
     éternisés au magasin général, François-Xavier n’ayant pas hésité à choisir une
     petite figurine de bois représentant un homme à cheval qui ressemblait à un
     chevalier à l’armure magique, avait-il dit. Allez donc savoir ce qui se passait
     dans une tête d’enfant ! Non, ils ne s’étaient vraiment pas mis en retard, mais
     ce qui n’avait été que quelques flocons disséminés ici et là s’était rapidement
     transformé en une horde sauvage qui leur fouettait le visage.
    — Non, m’sieur Rousseau, j’vois absolument rien, répondit la jeune femme.
    — Pas même l’ombre d’un p’tit sapin qui aurait poussé par là, par
     hasard ?
    Malgré le sérieux de la situation, Léonie Coulombe sourit à l’allusion. Peu
     après leur départ, le petit garçon endormi au chaud entre eux deux, monsieur
     Rousseau en avait profité pour lui raconter l’anecdote.
    — Non, j’ai beau m’arracher les yeux, y a pas l’ombre d’un arbre ! se désola
     Léonie.
    — Pourtant, reprit Ernest, on devrait pas être ben loin de la cabane !
    Mais, en son for intérieur, il n’en savait plus rien. Tout n’étaitqu’un tourbillon hallucinant autour de lui… probable qu’il
     avait dévié de sa route, peut-être avait-il tourné en rond…
    — Attendez ! Là-bas, là-bas, y a p’t-être ben une lumière !
    D’énervement, Léonie s’était levée et pointait du bras entier la direction à
     suivre.
    — Dieu soit loué, ça peut juste être le fanal que j’ai allumé, du moins je
     l’espère. Asseyez-vous, mademoiselle, on y va !
    La cabane était bel et bien là, les attendant calmement, comme si elle ne
     s’était jamais amusée à jouer à la cachette avec eux. Le trio y trouva la
     sécurité pour le reste de la tourmente. Même le cheval d’Ernest y trouva refuge,
     abrité dans l’annexe de la cabane.
    Ernest se dépêcha d’allumer la truie avant d’aller rejoindre ses compagnons de
     voyage qui grelottaient, assis sur l’unique banc de bois de la pièce. Léonie
     prenait gentiment soin de l’enfant, soufflant doucement sur les doigts glacés de
     celui-ci. Rapidement, l’abri devint plus confortable et François-Xavier alla
     dans un coin jouer au chevalier, imaginant des châteaux et des princesses.
     Ernest, lui, après avoir demandé la permission à Léonie, se permit enfin de
     s’asseoir et de fumer sa pipe. Léonie, adossée contre le mur, sourit timidement
     à l’homme. Malgré la tempête qui, furieuse qu’on lui ait fermé la porte au nez,
     rageait à l’extérieur, faisant trembler les murs, la jeune femme se sentait en
     sécurité et détendue. Au plus profond d’elle-même, Léonie sut qu’elle était en
     train de vivre un moment unique de sa vie. Non pas à cause des circonstances
     mais parce qu’elle reconnaissait les signes certains de l’amour, le vrai, celui
     simple et sans paroles, brut, sans fioritures, celui qui illumine sans aveugler,
     celui sans démesure, celui fait sur mesure… Ernest sourit en retour à la jeune
     femme. Il était étrange de se retrouver en compagnie féminine dans la
     promiscuité de cet abri. Et même s’il ne trouvait pas grand-chose à dire, Ernest
     fut certain qu’il n’oublierait pas de sitôt le joli visage de la jeunefemme. Elle était plus blonde et surtout beaucoup plus jeune
     que sa sœur. Ernest lui donnait à peine vingt-cinq ans. La couleur de ses yeux
     était exceptionnelle. D’un vert magnifique, les yeux de chat de Léonie Coulombe
     auraient fait damner un saint, et Ernest entrevit l’enfer de ses nuits d’homme
     rêvant à son amour impossible…

    La tempête avait été soudaine mais, heureusement, de courte durée. Ils
     atteignirent ainsi la

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