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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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dans ma condition,
     j’peux pas me le permettre, mais vous y a pas de raison.
    — Justement, madame Gagné, j’voulais vous dire que… vu votre état, ben, si
     jamais vous avez besoin de quelque chose, ben chus là. N’importe quoi, madame
     Gagné, n’importe quoi, j’va être paré.
    Anna regarda dans les yeux cet homme si bon. Elle sut, à n’en pas douter, que
     son voisin pensait vraiment ce qu’il disait. Bonté divine, rare était cette race
     de gens.
    — Merci, pis croyez que c’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde ! Alphonse
     pis les gars vont retourner au chantier, ça va être ben rassurant de vous savoir
     si proche, si avenant.
    — Quoi que ce soit, madame Gagné, quoi que ce soit !

    — Va dans ta chambre t’habiller à chaleur, fiston, c’est
     aujourd’hui qu’on va chercher mademoiselle Coulombe.
    — C’est qui, mademoiselle Coulombe ? demanda François-Xavier tout ensommeillé
     encore.
    Il était à peine cinq heures du matin et il faisait encore nuit noire dans la
     cuisine des Rousseau.
    — Tu sais ben, la matante à Ti-Georges. Madame Gagné m’a demandé d’aller la
     chercher.
    — C’est à matin qu’on va à Roberval ? réalisa soudain François-Xavier, qui se
     faisait une grande joie à l’idée de cette expédition dont son père lui avait
     parlé quelques jours auparavant.
    — Si tu peux te grouiller un peu de finir de manger pis monter comme j’te l’ai
     demandé, p’t-être qu’un jour on pourra partir.
    — Oui, papa, j’me dépêche, promit l’enfant tout excité.
    Ernest s’était débarrassé des corvées rapidement avant de rentrer préparer à
     déjeuner. Attablés à la grande table de bois, le père et le fils terminaient
     leur repas à la lueur du poêle à bois dont Ernest avait laissé ouverte la lourde
     porte de fonte. L’homme sourit.
    « Cet enfant-là mangerait à la journée longue » se dit-il en regardant
     affectueusement son fils tremper rapidement un gros croûton de pain dans son
     assiette remplie de mélasse. François-Xavier se leva, la bouche encore pleine,
     le menton barbouillé du visqueux sirop et courut à l’escalier menant à l’étage
     des chambres. Ernest, lui, se mit à préparer les provisions du voyage. Il ne
     leur fallait pas trop tarder. Traverser le lac jusqu’à Roberval en plein mois de
     février était risqué. Les gros froids de janvier étaient tombés et on pouvait
     s’attendre aux plus grosses tempêtes de l’hiver. Depuis qu’il avait déménagé
     dans la région, il avait entendu parler d’histoires de gens qui s’étaient
     complètement perdus sur le lac en pleine tourmente. L’enfer blanc qu’on disait.
     C’est donc avec appréhension qu’Ernest s’engageait dans ce périple.
    « Mais une promesse est une promesse. Madame Gagné compte sur
     moé pour aller chercher sa sœur, alors, veux, veux pas, on va y aller. Non mais,
     l’hiver va-tu finir par finir baptême ! Que c’est qui m’a pris de venir
     m’installer par icitte, aussi ! C’est ma pauvre Rose-Élise, ben à l’abri à
     l’hospice de Québec, qui avait p’t-être raison. Ah baptême, ça me ressemble pas
     de bougonner de même le matin… Roberval est toujours ben pas à l’autre boutte du
     monde ! C’est juste de l’autre bord du lac ! Pis madame Gagné a absolument
     besoin de sa sœur, avec le bébé qui s’en vient, pis toute la marmaille en plus,
     son aide sera certainement pas de trop, malgré les plus grandes qui font leur
     gros possible… Surtout qu’Alphonse pis ses trois grands gars sont repartis pour
     les chantiers juste après le jour de l’An. » Assurément, il ne pouvait refuser
     ce service. « Baptême, secoue-toi un peu, Ernest, vois les choses d’un autre
     côté. Pis pourquoi j’profiterais pas de ce voyage pour gâter un peu mon p’tit
     François-Xavier. Y s’en va bientôt sur ses cinq ans. J’pourrais p’t-être avoir
     le temps de l’emmener au magasin général, lui faire se choisir quelque chose…
     une boîte de réglisse ou un sucre d’orge… hum, oui bonne idée… » Il imaginait
     déjà sa joie.
    — J’ai pas pris de chance, j’ai mis mes deux paires de pantalons, pis trois
     paires de bas de laine, pensez-vous que j’va être correct ?
    Ernest partit à rire. Son fils venait de dévaler les escaliers et se tenait
     devant lui, prêt, et parfaitement réveillé cette fois.
    — Baptême, tu t’es habillé

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