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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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le bruit de sa peine.
     Tout à coup, les petits bras et les petites jambes s’agitèrent comme dans une
     ultime tentative pour défier la mort. Surprise, Joséphine eut un mouvement de
     recul. Le bébé resta immobile quelques secondes puis inspira un grand coup. Sous
     les yeux estomaqués de la sage-femme improvisée, le nouveau-né se mit à respirer
     régulièrement comme si de rien n’était, recouvrant même une jolie couleur
     rosée.
    — J’l’entends pas pleurer, s’inquiéta Anna en émergeant
     difficilement de sa torpeur. Y respire ? demanda-t-elle faiblement.
    — Oui, oh oui, la rassura Joséphine avec un grand sourire de soulagement. A
     veut vivre celle-là !
    — C’est une fille ? comprit Léonie en s’approchant, hoquetant d’émotion.
    — Oui, une belle p’tite fille. A l’a encore un peu les pieds et les mains
     bleus, mais on va la frictionner pis ça devrait rentrer dans l’ordre, expliqua
     Joséphine en terminant de couper le cordon. Mais avant, ce trésor a droit à sa
     première tétée, reprit-elle en plaçant le bébé au creux des bras de sa mère, sa
     besogne terminée.
    Du bout des doigts, Anna caressa le duvet, plein de miasme, de son
     nouveau-né.
    — Merci, dit Anna, merci beaucoup, mais j’ai pas la force de la tenir.
    Léonie s’empressa de soutenir sa nouvelle nièce.
    — Est magnifique, Anna. Comment vas-tu l’appeler ? demanda Léonie.
    — J’avais pensé à Julia, murmura l’accouchée. Est-ce que la marraine aime
     ça ?
    Léonie réalisa que c’était à elle que la question s’adressait.
    — Moé ? Mais… oh oui, la marraine trouve ça très joli, finit-elle par répondre,
     émue et fière d’être le choix de sa sœur.
    — Avez-vous entendu, Joséphine, j’va être dans les honneurs ! J’va m’occuper de
     tout. Joséphine pourrait être la porteuse, si a veut ben comme de raison.
    — Oui, oui madame… accepta-t-elle distraitement.
    Joséphine était inquiète.
    — Pis qui va être parrain ? demanda Léonie.
    — J’avais pensé à Ferdinand, mais y est pas revenu du chantier, ditfaiblement Anna. J’pense ben que monsieur Rousseau y
     voudrait…
    — J’va aller lui annoncer la bonne nouvelle et dire à Ti-Georges qu’y a une
     p’tite sœur ! dit joyeusement Léonie en se précipitant à l’extérieur.
    — Ça vous fera pas de tort d’être lavées toutes les deux, dit Joséphine, de
     plus en plus inquiète.
    Au lieu de passer à l’acte, la jeune femme resta bêtement au pied du lit, les
     sourcils froncés. Quelque chose ne tournait pas rond. Le bébé tétait
     normalement, mais la mère était beaucoup trop blême et semblait sur le point de
     s’évanouir. D’un coup sec, Joséphine souleva la couverture avec laquelle elle
     l’avait chaudement recouverte quelques minutes plus tôt. Ce qu’elle avait
     craint, le pire des cauchemars, se concrétisait. Il y avait beaucoup trop de
     sang, ce n’était pas normal. Cette femme était en hémorragie. Sans plus
     tergiverser, Joséphine s’activa à essayer d’enrayer le flot de sang. Sans
     ménagement, elle pesa sur le ventre, imprimant des mouvements vers le bas. Mais
     la peau flasque refusait de se contracter une fois de plus pour expulser le
     placenta.
    — M’sieur Rousseau est ben fier d’être le parrain, mais j’ai pas mis la main
     sur Ti-Georges, dit Léonie en riant tout en revenant dans la chambre.
    Elle s’arrêta net à la vue des draps rouges et du visage livide de sa
     sœur.
    — Que c’est qui se passe ?
    — Ça marche pas, dit Joséphine, le reste veut pas sortir !
    — Comment ça, le reste ?
    Joséphine ne répondit pas et attrapa d’autres serviettes qu’elle roula en boule
     entre les jambes de la femme avant de se remettre à la masser encore plus
     vigoureusement qu’avant. Léonie s’approcha du lit.
    — Anna, ça va ? Réponds-moé… Anna ?
    Tout à coup, Anna agrippa le poignet de sa sœur.
    — Léonie, écoute-moé, murmura-t-elle.
    Elle devait trouver la force de parler.
    — Léonie, mon pauvre Alphonse sera pas capable… promets-moé de t’occuper de
     Julia, prends-la avec toé, jure-le-moé…
    — Dis pas ça, Anna, dis pas ça. Tu vas pas mourir, Anna !
    Joséphine cessa toutes tentatives qu’elle savait vaines. Pieusement, elle
     s’agenouilla près du lit et commença à prier.
    Dans la chambre, le soleil rentrait à flots, baignant la pièce d’une chaude
     lumière.

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