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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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comparses avaient pensé à tout : deux
     petits bancs en rondins pour s’asseoir et pique-niquer, une belle grosse roche
     roulée là à la sueur de leur front pour servir de table et quatre grands clous
     enfoncés dans le tronc de l’arbre. Un pour chacune de leurs frondes, un pour
     leur sac de billes et un pour le fanal. Ainsi, ils pourraient venir en cachette,
     la nuit tombée, essayer d’attraper leur plus grand ennemi, un gros raton laveur
     qui ne cessait de voler leurs provisions. La première rencontre avec Gros Noir,
     le nom qu’ils avaient donné à l’animal en raison de son masque prononcé et de sa
     corpulence, était survenue peu après la fin de leur construction. Fiers du
     travail accompli, ils avaient décidé d’aller se rafraîchir au lac avant de
     prendre leur premier repas dans leur nouvelle cabane. Joséphine qui, comme
     convenu, venait aider à la fermedes Rousseau avait cuisiné, à
     la demande de François-Xavier, à qui elle ne refusait rien d’ailleurs, de
     savoureuses galettes blanches. Après leur baignade, le rouquin et le frisé
     avaient décidé de faire la course, et c’était en riant qu’ils étaient arrivés
     nez à nez avec Gros Noir en train de s’empiffrer allègrement du délicieux
     dessert. François-Xavier avait protégé tout de suite son ami et s’était mis
     bravement entre l’animal et Ti-Georges. Nullement impressionné par les cris de
     rage des enfants, Gros Noir avait à peine relevé la tête de son festin et
     c’était presque avec un haussement d’épaules que le raton laveur avait décidé de
     s’en aller lentement, ne laissant que quelques miettes dans un panier renversé.
     François-Xavier avait suivi des yeux le voleur et décrété que le malfaiteur ne
     mettrait plus jamais la patte sur une de ses galettes. On ne touchait pas à ses
     possessions… Pourtant, les deux garçons avaient eu beau tout essayer pour faire
     fuir l’animal, celui-ci revenait quotidiennement dévaster leur cabane à la
     recherche d’autres provisions.
    Aux grands maux les grands moyens, il fallait sortir l’artillerie lourde !
     décréta un soir François-Xavier. Une bonne volée de cailloux devraient parvenir
     à dissuader le malappris. Dès le lendemain, cachés stratégiquement près de la
     cabane, une belle grosse galette trônant sur la table de pierre, les deux gamins
     attendaient en silence, couchés côte à côte, que Gros Noir vienne se régaler. Ne
     quittant pas des yeux l’appât, écoutant le moindre craquement, leurs frondes
     bien en main, un tas de munitions près d’eux, les enfants attendirent. Sauf que
     François-Xavier n’était pas très patient, sa position était inconfortable, le
     bout du nez lui piquait et une mouche à chevreuil le harcelait. Ti-Georges ne
     cessait de le réprimander et de lui demander de cesser de gigoter. Enfin
     l’ennemi se pointa et sans aucun signe de peur s’approcha de l’offrande qu’il se
     mit sans tarder à grignoter. François-Xavier lança le signal d’attaque :
    — Feu à volonté ! cria-t-il en joignant le geste à la parole.
    Les deux amis se mirent à bombarder l’animal des petites roches
     qu’ils avaient pris grand soin de choisir pour leur grosseur et leur forme
     ronde. Mais au lieu de s’enfuir, Gros Noir se mit à grogner en une espèce de
     chuintement menaçant tout en s’avançant vers ses attaquants. C’était bien là le
     dernier scénario que les garçons auraient imaginé ! Ils se faisaient attaquer
     par un raton laveur !
    — Bateau, c’t’animal est enragé !!! décréta Ti-Georges avant de prendre ses
     jambes à son cou et de déguerpir, bien vite suivi de François-Xavier.
    Pressés de se mettre à l’abri, les enfants ne prirent pas les précautions
     habituelles et, ne regardant pas où ils allaient, c’est à pieds joints qu’ils
     marchèrent tous les deux dans le plus immense nid de guêpes. La douleur fut
     intense et c’est en pleurs avec chacun trois, quatre piqûres par jambe que les
     garçons entrèrent en trombe dans la cuisine d’été de la ferme des Rousseau.
     Ernest était absent, occupé dans les champs aux mille et une besognes d’un
     fermier. Heureusement, c’était le jour de congé de Joséphine et celle-ci se
     préparait à laver le plancher. Elle ne fut pas longue à comprendre le drame.
     Comme elle venait juste de remplir une bonne grosse chaudière d’eau bouillante
     en y laissant fondre un

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