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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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carré de savon, elle plongea une guenille dans l’eau
     savonneuse du seau et put rapidement soulager les enfants en pleurs. Quand, le
     soir venu, François-Xavier raconta à son père l’histoire de Gros Noir, celui-ci
     lui fit comprendre l’importance de partager la forêt avec les animaux de toutes
     espèces et lui dit que c’était pour ça que le Bon Dieu les avait punis.
    — Tu comprends, mon gars, dit Ernest, vous avez dû construire votre cabane sur
     le territoire de Gros Noir. Y va falloir que vous vous installiez
     ailleurs.
    — Vous pourriez pas l’attraper, vous, papa, pis le tuer avec votre fusil ?
     demanda le petit garçon avec espoir.
    — François-Xavier, que c’est que j’viens de t’dire sur les
     animaux du Bon Dieu ? le gronda Ernest.
    — Qu’on doit en prendre soin pis jamais faire mal pour rien, pour le plaisir…
     répondit son fils d’un air penaud.
    — Bon ben ça fait que tu fais ta cabane ailleurs.
    — Mais c’était la meilleure place ! revint à la charge François-Xavier.
    — Pour Gros Noir aussi, faut croire, sourit son père.
    Joséphine, qui avait assisté silencieusement à l’échange entre le père et le
     fils, intervint :
    — T’aimerais-tu ça, toé, que le bonhomme sept heures y décide que ta chambre
     c’est sa place à lui astheure ?
    — Non, non, répondit l’enfant apeuré.
    — Bon ben grimpe te coucher tusuite, ordonna Ernest en souriant.
    — Fifine, tu vas me raconter une histoire ? quémanda François-Xavier en montant
     les marches.
    — Ben comme tous les soirs, mon François, pis après j’m’en va, y se fait tard.
     Envoye j’te suis, j’va monter du beurre pour mettre sur tes piqûres, tu vas
     voir, tu t’en rappelleras pus le soir de tes noces, plaisanta-t-elle.
    — Merci ben gros Joséphine, dit Ernest en se levant. Moé, j’m’en retourne
     dehors, j’ai encore ben de l’ouvrage tant qu’y reste de la clarté.
    — Arrêtez de me remercier à tout bout de champ, vous savez ben comment ça
     m’fait plaisir de m’occuper du p’tit. Bonne nuit, m’sieur Rousseau, fit la femme
     en montant à l’étage.
    Cela lui faisait plus que plaisir de s’occuper de François-Xavier… Joséphine
     n’en revenait pas encore de toutes les bontés dont la vie la comblait. Depuis
     des années qu’elle avait la chance de voir grandir son fils, de le cajoler, de
     le gâter, de soigner ses petits bobos, pensa-t-elle en souriant tendrement à la
     vue du petit garçon grimaçant dedouleur pendant qu’elle
     appliquait le gras sur la jambe blessée. Bien sûr, la vie de colon sur la Pointe
     était à l’opposé de ce qu’elle avait vécu à Chicoutimi. Ici, aucune commodité de
     la ville, aucun service à proximité, il n’y avait même pas de curé pour
     surveiller vos moindres faits et gestes, la belle vie quoi ! De plus, cela lui
     permettait de pouvoir venir travailler chez les Rousseau sans reproche. Son sang
     indien ne lui faisait pas craindre la forêt à la brunante et, au contraire, ces
     longues marches entre la ferme du Français et celle des Rousseau la comblaient.
     Elle était en communion avec chaque élément de la nature. Quoi de plus mignon
     qu’un petit tamia en train d’engranger quelques cocottes, se pressant avant
     l’hiver, parcourant fébrilement le tronc d’un arbre mort, fourrageant parmi les
     feuilles orange, jaunes et brunes, courtepointe aux chaudes couleurs abritant le
     sol frileux. Et quel amusement que de suivre les pistes fraîches d’un lièvre si
     facilement reconnaissables dans la neige folle jusqu’à apercevoir un bout de
     fourrure récemment blanchie de camouflage. Joséphine avait même créé des liens
     avec une biche. Lorsqu’elles se croisaient au détour du sentier, le chevreuil
     s’immobilisait et plongeait ses grands yeux bruns dans ceux de la même couleur
     de Joséphine. La jeune femme s’arrêtait également et avec douceur se mettait à
     parler de n’importe quoi avec le bel animal. La biche écoutait attentivement,
     les oreilles s’agitant en un prudent frémissement. L’échange terminé, après un
     dernier regard appuyé, le gracieux animal repartait en sautant dans les
     nouvelles pousses d’aulnes et de fougères. Mais ses conversations préférées,
     c’est avec Ernest qu’elle les tenait. Un soir, en veillant sur la galerie,
     Ernest lui avait confié à quel point son épouse, toujours hospitalisée, avait
     souffert

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