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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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toutes ces
     années… Parle-moé d’elle. Est-ce qu’a ressemble beaucoup à sa mère ?
    Comme Léonie allait répondre, sa filleule frappa justement à la porte,
     s’informant si elle pouvait entrer.
    — Tu l’verras ben toé-même, Alphonse. Pour ce qui est de te pardonner, j’va le
     faire, Alphonse, mais rien que pour moé, tu entends, rien que pour t’effacer une
     fois pour toutes de mon esprit… pis faire comme si t’avais jamais existé avant
     aujourd’hui… pis pour Julianna. C’est la seule chose que j’aie jamais pu y
     donner, un père… j’va y en donner un. Y est mieux d’être à la hauteur.
    Léonie essuya rageusement ses larmes et alla ouvrir à sa nièce.

    — Tu comprends, François-Xavier, ma femme était pas méchante, c’est sa maladie
     qui l’avait rendue comme ça.
    Les deux hommes se berçaient doucement, côte à côte, sur la galerie, presque à
     la même cadence. Le coucher de soleil était superbe. Il ferait certainement
     encore chaud demain, le ciel prenant toutes les teintes de rose annonciatrices
     de beau temps. Ernest expira une grosse bouffée de fumée pour chasser les
     maringouins qui venaient de prendre la relève des mouches noires, tournoyant
     autour de leurs têtes, dur tribut à payer pour l’été revenu.
    — A l’a vécu treize ans dans cette institution que le curé Lapointelui avait trouvée, reprit-il. Treize ans entre quatre murs. Ça
     faisait assez pitié, tu peux pas savoir. Voir ta femme agir comme un bébé… A me
     reconnaissait même pus… A bavait sur sa robe, a l’était même pus propre…
    — C’est le voyage que vous aviez fait à Montréal pis vous aviez pas voulu
     m’emmener ?
    — Ouais, j’t’avais fait garder chez nos voisins. T’avais huit ans,
     j’pense.
    — J’m’en rappelle, j’avais peur que vous me laissiez chez les Gagné pour
     toujours, même si j’m’étais ben amusé avec Ti-Georges. Les tours pendables qu’on
     a faits ! J’vous avais-tu raconté quand on avait pris des crottes de lapin pis
     qu’on les avait roulées dans du miel pis du sucre brun ? Après on les avait
     toutes bien placées dans la boîte de sucre à crème qu’on avait laissée ben en
     évidence sur la table. Pis Ti-Georges pis moé, on s’était cachés dans la
     penderie en laissant la porte ouverte rien qu’un peu. On avait tellement ri
     quand on avait vu sa sœur Aline se dépêcher d’en avaler une poignée en pensant
     que personne la voyait !
    François-Xavier éclata de rire, mais son père ne se joignit pas à lui.
    — Tu m’raconteras ça plus tard, mon garçon. Y a toujours un temps pour dire les
     choses.
    — Excusez-moé, son père, mais j’voulais pas que vous vous fassiez de la peine
     avec vos souvenirs… expliqua François-Xavier.
    Cela avait été sa façon à lui de dévier la conversation. Il regrettait sa
     question sur le remariage de son père. Il n’avait pas le droit de se mêler de sa
     vie ainsi. Il n’avait réussi qu’à raviver de vieilles douleurs chez son
     paternel. Mais qu’est-ce qu’il avait donc aujourd’hui à tout faire de travers ?
     C’était à cause de Julianna, elle lui remplissait la tête de son image et le
     faisait déparler. Elle lui tournait le cœur à l’envers et lui faisait faire des
     bêtises. Elle le tourmentait de ses belles lèvres qu’il avait presque
     atteintes.
    — Arrête de t’en faire pour moé. Si j’veux t’en parler, c’est
     qu’y a pas de trouble ! lui dit Ernest. Y faut pas que tu penses que chus un
     homme malheureux. Ben sûr, j’te dis pas que la chaleur d’une belle créature me
     manque pas, mais on s’habitue à tout… Au début, ç’a été le plus dur. J’pouvais
     pas avoir d’autre femme tant que Rose-Élise était malade. Ç’aurait pas été
     correct. Pis après, ben, la Providence en a pas placée sur mon chemin.
    — Pis Joséphine ? ne put s’empêcher de demander François-Xavier. J’vous ai déjà
     surpris dans l’étable en train de l’embrasser… avoua-t-il.
    — J’me doutais ben que tu nous avais vus aussi, répondit le père. Chus rien
     qu’un homme, tu sais… j’étais pas fait en bois…
    Ernest se revit cet après-midi-là, l’odeur du foin, Joséphine qui se collait à
     lui, qui s’offrait. Il avait pris sa bouche goulûment et, si cela n’avait été de
     la présence de François-Xavier, il aurait pris certainement tout le reste aussi.
     Par chance,

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