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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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ouvrant la porte de la chambre.
    La jeune fille avait les mains moites et le cœur battant. Pire
     encore que lorsqu’elle avait à chanter devant des gens importants. Le visage
     défait de sa tante n’était rien pour l’aider non plus. Elle avait essayé de
     préparer un genre de petit discours, mais il n’était jamais à son goût, trop
     impersonnel, trop émotif, trop agressif… Bref, elle ne savait pas comment
     aborder ce père avec qui elle n’avait jamais eu de contact. De toute façon, un
     discours n’aurait servi à rien.
    Tout se passa beaucoup plus simplement qu’elle ne l’aurait cru. Elle s’avança,
     timidement, vers le lit où gisait son père. Il tendit une main qui resta un
     moment en suspens dans le vide avant qu’elle ne se décide à la prendre dans la
     sienne. Elle avait craint le contact de sa peau, mais au contraire, elle fut
     étonnée de la quiétude qu’elle ressentit. Sa main s’enchâssait parfaitement dans
     celle de son père, elle en reconnaissait l’odeur, la chaleur, la texture.
     Instinctivement, sans se poser de question, elle se blottit près de lui et se
     mit à pleurer. Il avait toujours manqué un morceau dans sa vie.
    — Allons, allons ma p’tite fille, dit Alphonse, fais-moé pas chialer comme une
     créature.
    Mais il eut beau dire, il ne put retenir ses larmes, trop ému par ces
     retrouvailles.
    — Oh ! papa, pourquoi, pourquoi ? Julianna reprit sur elle et se
     redressa.
    Elle n’avait pas cru qu’elle serait autant bouleversée.
    — Parce que chus un vieux fou… Laisse-moé te regarder. Léonie a fait de toé une
     ben belle grande fille. Comment ça s’fait que tu sois pas encore mariée ?
     demanda Alphonse.
    — Elle a un prétendant en ce moment, confia Léonie. Un avocat.
    — Un avocat ! s’exclama Alphonse.
    — Non, oui, mais, bafouilla sa fille, de toute façon, je veux pas me marier…
     enfin, pas tout de suite. Je suis une cantatrice ! déclara-t-elle.
    — Oui, j’ai entendu dire que tu poussais la chansonnette. Mais
     c’est pas une vie convenable pour une femme, trancha Alphonse.
    Léonie intervint avant que sa filleule ne s’enflamme.
    — Chus certaine que ton père est fatigué.
    — Anna aussi avait une belle voix, reprit-il, nostalgique. Pis tu lui
     ressembles tellement.
    — Bon, on te laisse te reposer, décida Léonie en voyant Alphonse recommencer à
     pleurer. Viens Julianna, laissons ton père dormir, vous allez avoir tout l’été
     pour faire connaissance.
    — Bonne nuit, souhaita Julianna en sortant de la pièce.
    — On se reverra demain, Alphonse, dit Léonie.
    — C’est ça, à demain… pis merci ben Léonie, répondit Alphonse.

    — Baptême, François-Xavier, t’achèves-tu de te pomponner, ça s’fait pas
     d’arriver trop tard chez les gens !
    Dans la cuisine, Ernest se tenait au pied de l’escalier, consultant sa montre
     pour la cinquième fois au moins. Il y avait une bonne dizaine de minutes qu’il
     poireautait ainsi.
    — J’te ferai remarquer qu’on est juste invités à veiller chez les Gagné, pas à
     coucher, reprit-il en n’obtenant pas de réponse. Malgré que j’ai l’impression
     que tu dirais pas non de partager la chambre de la belle Julianna.
    Ernest avait cru que son fils n’entendrait pas sa dernière remarque, mais
     celui-ci s’était enfin décidé à descendre au moment même où son père la
     marmonnait.
    — Son père, j’vous avertis, vous êtes mieux de pas m’agacer devant le monde à
     soir, le menaça François-Xavier en allant se placer devant le petit miroir fixé
     au-dessus du poêle à bois.
    Nerveusement, il sortit un peigne de la poche de sa veste et
     entreprit de lisser soigneusement sa chevelure rousse.
    — Inquiète-toé donc pas. J’me mêlerai pas de tes amours, à moins que j’la
     trouve pas de mon goût…
    — Ben voyons donc, votre filleule est encore plus belle que le soleil… dit
     François-Xavier en soupirant de bonheur.
    Décrétant qu’il ne pouvait faire mieux, il rangea son peigne et entreprit
     d’ajuster le col de sa chemise.
    — Ouais, regarder le soleil peut rendre un homme aveugle, rétorqua Ernest d’un
     air malicieux.
    — Ben voyons donc ! réagit le jeune amoureux en allant se planter devant son
     père pour lui avouer d’un ton désespéré :
    — Chus pas capable d’attacher c’te cravate-là comme du monde !
    Ernest sourit avec indulgence et entreprit de nouer le bout

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