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La complainte de l'ange noir

La complainte de l'ange noir

Titel: La complainte de l'ange noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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montante envahissait le Wash. S’agenouillant, il se signa et récita sa prière favorite :
    — Que le Seigneur soit avec mon esprit et mes pensées ! Que le Seigneur m’ouvre les yeux ! Que le Seigneur soit à ma dextre et à ma senestre !
    Il laissa libre cours à ses pensées. Maeve se portait-elle bien à Londres ? Et sa petite Aliénor ? Il se ressaisit et reprit ses prières, mais eut du mal à se concentrer. Il abandonna et, sur un dernier signe de croix, s’étendit sur le lit pour somnoler un peu. Au bout d’un moment, pourtant, il se déshabilla et se coucha comme il se devait, en s’enroulant dans les couvertures. Et il ne tarda pas à sombrer dans un sommeil peuplé de sinistres silhouettes encapuchonnées qui le poursuivaient autour d’un fanal solitaire.
    À son réveil, le lendemain matin, il trouva ses serviteurs affalés sur leurs lits, encore tout habillés... de vrais coqs en pâte, comme aurait dit Ranulf. Corbett enleva les volets. Le vent s’était calmé et la brume presque complètement dissipée. Il regarda le ciel d’un bleu limpide. Frictionnant ses doigts gourds, il procéda à sa toilette, s’habilla et descendit aux cuisines. En voyant la bougie des heures {21} sur son support de fer, il se rendit compte qu’il s’était levé bien tard, car la flamme atteignait presque le dixième cercle. Gurney entra, la mine enjouée, en battant la semelle et en soufflant sur ses doigts gelés.
    — Je vous souhaite le bonjour, Hugh. Pourquoi les chevaux me donnent-ils toujours du fil à retordre en hiver ?
    Il se versa de la godale et avala gloutonnement du pain et de la viande en arpentant la pièce. Alice entra, accompagnée de Selditch. Ils discutèrent des événements dans une atmosphère détendue : Monck était déjà parti faire un tour.
    — Seul, comme d’habitude, précisa sèchement Gurney. Je n’ai jamais rencontré homme qui tienne tant à sa propre compagnie.
    Il reposa soudain sa chope : une clameur s’élevait près de l’entrée. Catchpole fit irruption dans les cuisines, ses bottes martelant le sol.
    — Sir Simon !
    Il s’appuya sur le chambranle pour recouvrer son souffle.
    — Sir Simon, Sir Hugh, venez, je vous en prie.
    — Que se passe-t-il ? s’exclama Alice d’une voix aiguë.
    Catchpole essuya son front baigné de sueur.
    — Je reviens du village. Ils se sont emparés de Gilbert et de sa mère.
    — Oh, miséricorde !
    Gurney agrippa sa cape et ordonna à ses palefreniers de seller les chevaux.
    — Que font-ils ? demanda Corbett.
    — Ils « poussent » Gilbert à avouer, à l’ancienne mode, c’est-à-dire sous une lourde porte de chêne, sur laquelle on a posé des poids.
    — Et Gunhilda ?
    — Ils ont sorti la « chaise à sorcière {22} ».
    Gurney quitta les cuisines en trombe. Corbett regagna sa chambre. Il ceignit son baudrier, mit bottes et cape, et lança un regard désespéré à ses deux serviteurs. Ils ronflaient encore à tue-tête. Corbett s’empressa de rejoindre, dans la cour, Gurney et Selditch qui, armés de pied en cap, réclamaient leurs montures. Ils quittèrent le manoir quelques minutes plus tard, accompagnés par six gardes – choisis parmi les plus vigoureux –, et dévalèrent le sentier menant au village dans un bruit de tonnerre.
    Le pré communal devant la taverne grouillait de monde. La confusion régnait : la petite troupe de Gurney se vit bombardée de boue, de crottin et même de quelques cailloux, mais les soldats, frappant du plat de l’épée et du fouet, finirent par imposer un semblant d’ordre et par se frayer un passage jusqu’à l’étang. Ils découvrirent un spectacle atroce : Gilbert gisait sous une épaisse porte sur laquelle étaient posés des poids en fer et de grosses pierres. À demi inconscient, le jeune homme aux cheveux de lin poussait de sourds gémissements. Le tanneur, accroupi à ses côtés, lui criait d’avouer. Plus loin, les villageois avaient roulé un énorme tronc d’arbre au bord de l’étang et installé un long poteau muni d’une petite chaise au bout. Une vieille femme pitoyable s’y trouvait attachée, comme un sac de paille. Ses haillons étaient trempés, ses longs cheveux gris souillés de vase. De solides gaillards, sous la direction du bailli, projetaient la malheureuse dans l’eau glacée tandis que la foule – y compris femmes et enfants – scandait simplement :
    — Avoue ! Avoue ! Avoue !
    — Arrêtez ! C’est un

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