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La complainte de l'ange noir

La complainte de l'ange noir

Titel: La complainte de l'ange noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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ferait, une fois de retour dans la capitale.
    Corbett l’écoutait distraitement. Il s’étendit sur sa couche et tira les couvertures sur sa tête. Il ne pouvait oublier Amelia Culpeper. Il se rappela le gibet solitaire sur la falaise et imagina la boulangère enlaçant son amant sans voir le noeud coulant s’approcher de son cou. Ou s’en était-elle aperçue pendant les dernières secondes de sa vie et avait-elle accepté son sort ?
    Le lendemain, il s’habilla promptement et, après le petit déjeuner, fit ses adieux à Sir Simon et à Lady Alice. Puis il longea la falaise, suivi d’un Ranulf qui se ressentait des beuveries de la veille et se montrait plutôt taciturne. La matinée respirait le calme : les nuages s’étaient dispersés et un pâle soleil luisait sur les vagues. Corbett s’arrêta près de la potence et contempla ses branches et ses affreux crochets rouillés.
    — Qu’y a-t-il, Messire ? s’enquit Ranulf avec impatience. Pourquoi nous dirigeons-nous vers Bishop’s Lynn ?
    — Pense, Ranulf, à tous ces morts, à toute cette histoire d’intrigues et de violence. Sais-tu qui me fait le plus pitié ? La boulangère. Elle se souciait du trésor comme d’une guigne, elle. Mais elle aimait ce maudit Augustin à la folie.
    Corbett regarda Ranulf par-dessus son épaule.
    — Il possédait un trésor que peu d’entre nous aurons jamais, mais il l’a repoussé pour des sacs d’or et de la vaisselle d’argent.
    Sa monture broncha, agacée par le vent. Corbett lui flatta doucement l’encolure, les yeux toujours rivés sur la potence.
    — J’ai suggéré à Sir Simon de brûler le gibet, dit-il d’une voix égale. Il a accepté. A la place, il fera ériger une croix où sera demandé aux voyageurs de prier pour l’âme d’Amelia Culpeper.
    — Je parie qu’il est bien marri d’avoir perdu le trésor, remarqua Ranulf en se portant à la hauteur de son maître. Quant au gros mire, on aurait dit qu’il avait changé son cheval borgne pour un cheval aveugle !
    — Oh, ils seront grassement récompensés ! Sir Simon connaît la loi. Le trésor a été retrouvé sur ses terres. Il m’a aussi juré de ne pas parler du calice.
    — Et voilà. Tout se termine bien !
    — Tu crois, Ranulf ? Non, non, nous ressemblons à des juges qui quittent le tribunal après avoir rendu leur verdict. Lady Alice ne sera jamais plus la même, ni les villageois qui n’oublieront pas le père Augustin de sitôt. Fulke le tanneur n’oubliera jamais sa fille Marina, l’infortuné Fourbour n’oubliera jamais son épouse. Gilbert, le pauvre innocent du village, passera sa vie à se demander pourquoi les gens qui ont noyé sa mère lui donnent maintenant de grandes claques dans le dos et lui offrent des chopes de bière. Mère Cecily va payer les pots cassés, comme Sir Simon. Et finalement, bien sûr, tous auront flairé l’odeur de l’or.
    — Mais nous avons retrouvé le trésor, protesta Ranulf.
    — Non ! Seulement la part d’Alan of the Marsh. Où Holcombe a-t-il caché le reste, hein ?
    Corbett contempla la lande où flottaient encore les fines traînées grises des brumes matinales.
    — Une partie du trésor est enfouie ici. Aussi longtemps que circuleront les récits, on continuera à le chercher.
    Corbett lança un dernier coup d’oeil au gibet et se signa.
    — Eh bien, en avant pour Bishop’s Lynn !
    — Pourquoi aller là-bas ?
    — Je veux parler de sa fille au meunier, lui dire qu’il avait un trésor de grande valeur.
    Corbett éperonna son cheval. Derrière lui le gibet grinça lorsque l’Ange Noir s’élança de la mer pour chanter sa complainte éternelle au-dessus de la lande désolée.

 
    NOTE DE L’AUTEUR
    Plusieurs intrigues, fondées sur des faits historiques, se recoupent dans ce roman. De nombreuses sources du XIII e et du XIV e siècle font état du mouvement des pastoureaux en France et dans les autres pays de la Chrétienté. Ce mouvement millénariste, animé par des laïcs, dégénéra rapidement et les groupes de pastoureaux acquirent la réputation de n’être que des bandes de maraudeurs. Ils bénéficièrent pourtant quelque temps de la protection royale jusqu’à ce que la vraie nature de leur mouvement éclate au grand jour. Ils se livrèrent au vol, au pillage, au brigandage, au viol et à l’extorsion d’argent. En Angleterre, leur présence provoqua de violentes échauffourées à Shoreham, dans le Sussex. A la fin, condamnés

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