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La complainte de l'ange noir

La complainte de l'ange noir

Titel: La complainte de l'ange noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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rendre. Cela dit, Messire, je meurs de faim !
    Ils entrèrent dans une taverne proche et prirent place à la longue table qui faisait la largeur de la pièce, du mur aux barriques de vin. Corbett observa un matou qui rôdait près du billot où l’on tranchait la viande et remarqua les taches visqueuses de graisse qui luisaient sur la table : il décida de s’en tenir au pain et à la bière. À l’inverse, Ranulf, qui avait un estomac à toute épreuve, fit honneur au ragoût.
    Il guida ensuite son maître jusqu’à Conduit Street dans une belle orfèvrerie, dont les poutres noires tranchaient sur le rose pâle des murs récemment repeints. Un compagnon et deux apprentis s’affairaient à l’étal impressionnant. Ils affirmèrent au clerc que leur maître était absent, mais, sans se soucier de leurs cris, Corbett et Ranulf passèrent outre et pénétrèrent dans l’échoppe. Ils trouvèrent Edward Orifab à sa table de comptes, cernée de coffres et de cassettes. Les traits durs, la mine à tâter vinaigre, l’homme rappela à Corbett un avare stigmatisé dans un vitrail. Le clerc avait l’impression qu’un démon allait surgir pour emporter l’orfèvre en enfer. Ce dernier tirailla sur son habit fourré. Sa moue et le regard de ses yeux de fouine trahirent le peu de cas qu’il faisait de Corbett et de Ranulf.
    — Que voulez-vous ? demanda-t-il d’un ton sec.
    — De la courtoisie, en premier chef, répliqua jovialement Ranulf. Votre mère ne vous a jamais dit que « les belles paroles n’écorchent pas la langue » ?
    — Je suis très occupé, rétorqua l’orfèvre en empilant des pièces d’argent.
    Ranulf empoigna la table et la secoua. Les pièces s’éparpillèrent. Orifab se leva d’un bond, lèvres retroussées comme un dogue.
    — Maître Orifab, s’interposa le magistrat, je m’appelle Sir Hugh Corbett et suis l’émissaire de notre souverain. Il me faut vous poser certaines questions.
    L’orfèvre recula en renversant son siège, puis esquissa un sourire en hochant la tête comme un chien docile.
    — Je ne savais pas... murmura-t-il.
    — Eh bien, maintenant vous savez ! s’écria Ranulf qui prenait un malin plaisir à narguer orgueilleux et puissants devant son « Maître Longue Figure ».
    — Que désirez-vous donc ? En quoi puis-je vous aider ? bredouilla Orifab.
    Il se rassit et leur désigna un banc près de la table, mais Corbett resta debout.
    — Connaissez-vous Robert, le bailli du village de Hunstanton ?
    Lèvres pincées, l’orfèvre fit signe que non.
    — Il est venu ici, il y a quelques semaines, pour toucher un legs, enchaîna Corbett imperturbablement.
    Son interlocuteur contempla ses pièces d’or en clignant des yeux.
    — Ah, en effet, je m’en souviens !
    — Qui est à l’origine de ce don ?
    Orifab entrelaça ses doigts nerveusement et regarda par la fenêtre, l’air rêveur.
    — C’est un secret, marmonna-t-il. Je ne peux le révéler.
    — Très bien ! conclut Corbett qui fit mine de partir.
    Ranulf approcha son visage à quelques pouces de la joue pâle de l’orfèvre.
    — Maître Orifab, lança-t-il d’une voix sifflante, d’ici un mois vous allez recevoir une convocation de Westminster. Les barons de l’Échiquier exigeront votre présence et vous poseront cette même question. J’espère sincèrement que vous leur répondrez de façon plus satisfaisante.
    — Attendez ! Attendez !
    L’orfèvre bondit sur ses pieds, affolé à l’idée d’entreprendre un voyage long et pénible jusqu’à Londres. Il fit signe à Corbett d’approcher.
    — Je vais tout dévoiler, chuchota-t-il, mais pas un mot à qui que ce soit, je vous en prie... surtout pas à mon épouse !
    Corbett échangea un clin d’oeil avec Ranulf. Le marchand sortit en trottinant pour confier la boutique à son employé. Puis, passant par Tower Street et Greyfriars, il emmena les deux hommes à une demeure de belle apparence, entourée d’un jardin dont il poussa le portail. Il jeta un regard furtif à la ronde, avant de frapper à l’huis. Une accorte servante leur ouvrit et les fit immédiatement entrer. La porte close, Ranulf lorgna une donzelle à moitié dévêtue qui s’enfuyait dans l’escalier. Il ricana. Lorsqu’ils pénétrèrent dans une petite antichambre, il saisit son maître par le bras.
    — Êtes-vous déjà allé dans une « maison de débauche », Messire ? murmura-t-il.
    Corbett plissa les paupières.
    — Un

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