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La complainte de l'ange noir

La complainte de l'ange noir

Titel: La complainte de l'ange noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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bordel ! précisa Ranulf d’une voix sifflante.
    Corbett examina la pièce, luxueusement meublée : tapis teints au sol, feu de bûches crépitant dans la modeste cheminée, au moins quatre chaises à dorsal {30} et un vaste coffre verni. Deux tentures murales convainquirent Corbett du bien-fondé de la remarque de Ranulf : de style classique, elles représentaient des nymphes à divers stades d’effeuillage qui, impudentes, déployaient tous leurs charmes au bénéfice de satyres lubriques.
    Une grande dame aux cheveux gris fit son entrée. Les traits accusés de son visage sévère et la longue robe marron qu’elle portait lui conféraient un air austère. Elle sourit à Orifab, mais toisa Corbett et Ranulf d’un oeil soupçonneux.
    — Vous nous avez amené des invités, Maître Orifab ?
    — Non, Madame ! répondit Ranulf tandis qu’Orifab se dandinait nerveusement d’un pied sur l’autre. Nous sommes les représentants du roi.
    Elle recula si vite que Corbett crut qu’elle allait s’enfuir.
    — Ne craignez rien ! s’écria-t-il. Je me soucie comme d’une guigne de votre commerce. Mais Maître Orifab désire que nous rencontrions quelqu’un.
    — Rohesia, chuchota celui-ci. Ils voudraient s’entretenir avec Rohesia. Maîtresse Quickly, je vous conseille d’accéder à leur demande.
    Il lui glissa quelques mots au creux de l’oreille et elle lança un coup d’oeil effrayé à Corbett avant de sortir en toute hâte. Elle revint, quelques minutes après, accompagnée d’une jeune femme aux formes sculpturales. La nouvelle venue portait un bliaut de taffetas vert et sa chevelure blonde comme les blés était enserrée dans une guimpe de la même teinte, bordée de fil d’or. Des bagues étincelaient à ses doigts et des bracelets d’or et d’argent à ses poignets. Son corsage ajusté soulignait sa poitrine généreuse et sa taille fine. Elle paraissait aussi douce et innocente que l’agneau qui vient de naître. Corbett rendit grâces au ciel de ce que Maeve ignorerait toujours cet épisode de sa mission.
    — Vous désirez me voir, Messire ?
    — Oui. Seule.
    Maîtresse Quickly et Edward Orifab s’éclipsèrent. Ranulf referma soigneusement la porte derrière eux tandis que Corbett désignait un siège à la jeune femme.
    — Vous vous appelez Rohesia ?
    — Oui.
    — Savez-vous qui je suis ?
    — Non. Maîtresse Quickly ne me l’a pas dit.
    — Je suis Sir Hugh Corbett, chargé de mission par le roi. Je viens de Hunstanton et veux connaître la raison pour laquelle vous avez confié une somme considérable à l’orfèvre Orifab pour qu’il la remette à Robert Fitzosborne, bailli de ce village.
    Un changement spectaculaire s’opéra chez la fille de joie qui les fixa sans ciller : son regard se durcit, ses lèvres charnues se pincèrent en une mince ligne courroucée et son teint de pêche se ternit en quelques secondes.
    — Cela ne vous regarde pas, Messire !
    — Ne pas répondre vous coûtera cher ! Pourquoi tout cet argent au bailli ?
    — J’ai suivi les instructions d’un client.
    Corbett la dévisagea longuement en se frottant le menton.
    — Vous allez revenir avec moi à Hunstanton. C’est la meilleure solution, à mon avis, dit-il d’une voix égale.
    Il vit des larmes briller dans les yeux de la prostituée.
    — J’ai aussi une mauvaise nouvelle à vous apprendre : Marina a été assassinée.
    Rohesia poussa un gémissement de bête blessée. Elle enfouit son visage dans ses mains et s’abandonna à une crise de sanglots incontrôlables.
    Le lendemain matin, après avoir passé le reste de la journée sur les quais, Corbett, Ranulf et Maltote repartirent de Bishop’s Lynn. Ils repassèrent au lupanar où les attendait la jeune femme qui se faisait appeler Rohesia, emmitouflée dans une grande cape à capuchon. Corbett défendit à ses serviteurs de l’interroger ou même d’en discuter entre eux. Au sortir de la ville, ils prirent la route du nord vers Hunstanton.
    Le trajet se passa sans histoires. Au grand soulagement du clerc, ils n’avaient pas à traverser le bourg pour atteindre le manoir de Mortlake. Gurney et son épouse vinrent à leur rencontre. Corbett répondit froidement à leur salut – il se demandait encore qui les avait attirés dans la fondrière ! Il exigea que l’on procurât une chambre et de quoi manger à Rohesia, mais interdit qu’un autre que lui-même lui parlât.
    — J’ai besoin de Catchpole,

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